L’idée d’une chimiothérapie anticancéreuse résulte de la mise en évidence que des dérivés de moutardes azotées, eux même dérivés des gaz de combat de la première guerre mondiale, étaient capables de provoquer un blocage de la moelle osseuse (aplasie).
La preuve, pour ainsi dire, en a été fournie lors de l’explosion d’un stock de gaz moutarde (ypérite ou gaz H) dans le port de Bari le 2 décembre 1943 suite à une attaque de la Luftwaffe, au cours de la Seconde guerre mondiale (1939-1945). Les fûts endommagé laissèrent fuir du gaz à l’odeur caractéristique d’ail et de nombreux matelots moururent ainsi intoxiqués.
Le médecin militaire, arrivé d’Alger, le lieutenant-colonel Francis Alexander fut charger de l’enquête.
Il constata quelques semaines plus tard que les matelots présentaient une baisse importante des globules blancs et certains d’entre eux développaient une aplasie médullaire.
Dans son rapport du 20 juin 1944, il fit part de ses constatations, en particulier sur la destruction pratiquement complète des globules blancs chez les intoxiqués.
En dépit du “secret militaire” couvrant cet épisode de la dernière guerre à la demande express de Sir Winston Churchill (les armes chimiques n’ont pas été employées en combat en 40-45), Alfred Gilman (1908-1984) et Louis S Goodman, tous deux pharmacologues à l’université de Yale, furent chargés d’étudier les effets toxiques du gaz moutarde et de trouver une antidote.
La mise en évidence d’une toxicité élective pour les tissus lymphoïdes fut la première étape qui mena à la découverte des alkylants et les premiers essais avec le Mustargen TM .
A partir des constations de Francis Alexander et plus tard de Cornelius P. Rhoads faites à Bari, il développa des dérivés, dont la Caryolysine® (chlorméthine), qui furent testés à Yale sur des malades souffrant de maladie de Hodgkin, alors mortelle à 100 %. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les premières réponses chez des patients souffrant d’une maladie de Hodgkin ou d’un lymphome traités par une moutarde azotée, la Caryolysine® furent publiées.
Les autres médicaments alkylants, développés ultérieurement, auront, parfois, un index thérapeutique meilleur. Par exemple, le cyclophosphamide, commercialisé en 1950, reste l’un des médicaments les plus utilisé de nos jours !
Après l’aminoptérine, avec laquelle Sidney Farber (1903-1973), un pédiatre pathologiste,en 1948, avait observé des réponses transitoires dans la leucémie aiguë de l’enfant, le méthotrexate est le second antifolate à être développé et commercialisé.
Charles Heidelberger, à la même époque, développe le premier analogue des pyrimidines, le 5-FluoroUracile (5FU) et l’année suivante, avec ce médicament, sont décrites des réponses dans les cancers digestifs, le cancer du sein et certains cancers de la sphère ORL.
Depuis, la recherche de nouveaux médicaments anticancéreux a permis la mise au point de médicaments plus efficace et mieux tolérés.
LA SYSTÉMATISATION DE LA RECHERCHE…
Au cours des années, l’objectif de la chimiothérapie a évolué du soulagement des symptômes vers l’obtention de rémissions complètes durables. Il faut souligner que, maintenant, la chimiothérapie à la capacité de traiter les cancers étendus ou métastatiques, là où les traitements locaux, chirurgie ou radiothérapie, ont une efficacité limitée.
La recherche s’est, par la suite, systématisée à partir de l’initiative du National Cancer Institute ( NCI) qui a mis en place dès 1955, un criblage de molécules sur la base d’un modèle de leucémie de la souris. De plus, en 1970, cette recherche s’est intensifiée avec le lancement du programme Conquête du Cancer par le président américain Richard Nixon.
MAINTENANT….
Les découvertes récentes de biologie moléculaire ont débouché sur de nouveaux axes thérapeutiques n’utilisant plus l’atteinte cytotoxique comme moyen de guérir la maladie, mais plutôt des médicaments capables de freiner l’apparition des métastases ou de bloquer leur développement. Ces nouvelles molécules, n’entraînent pas obligatoirement la mort des cellules cancéreuses, mais réduisent considérablement leur potentiel délétère. Ce sont les biochimiothérapies ou thérapies ciblées.
Finalement, le raid de Bari fut un double désastre et une expérimentation par sérendipité. D’un côté, ce fut réellement un second Pearl Harbor, un des exploits les plus éclatants de la Luftwaffe de la guerre. Mais c’était aussi le seul incident de toute la Seconde guerre mondiale qui impliquait un gaz poison, une tragédie encore accentuée par les exigences du secret en temps de guerre… Mais ce fut aussi le début de la chimiothérapie contre le cancer.
P.L
et des “Copier-coller” dont les sources sont: T.Cook. (1999), No Place to Run, Vancouver, British Columbia : UBC Press. Faguet G.B. (2005), The War on Cancer : : An Anatomy of Failure, A Blueprint for the Future,Infocancer, wikipédia, Haute Autorité de la Santé, World War II, The Netherlands : Springer. Goodman LS, Gilman A. (1965), The Pharmacological Basis of Therapeutics, 3rd ed. New York, NY: Macmillan Publishing Co; 1345. Hirsch, J. (2006), An Anniversary for Cancer Chemotherapy, in The Journal of the American Medical Association, September 27, JAMA 296(12):1518-1520. doi:10.1001/jama.296.12.1518 ;