DUFOUR (1855) signale que l’analyse de la plante identifie un «principe spécial, l’aconitine, […] remarquable par son action venimeuse».
HÉRAUD (1949) précise que l’aconit napel contient deux alcaloïdes: la napelline –qu’il assortit d’un point d’interrogation– et l’aconitine, celle-ci présente sous deux formes, amorphe et cristallisée.
BRUNETON (2001) note la présence d’une série d’alcaloïdes: aconitine –largement majoritaire– hypaconitine, mesaconitine, lycaconitine, néopelline, napelline, néoline. Il relève que la concentration varie au cours du développement végétatif et en fonction de l’origine géographique de la plante.
L’aconit napel est violemment toxique dans toutes ses parties, la racine surtout. FERRAN (1969) affirme que la manipulation de la plante peut entraîner des malaises –ce qu’avait relevé A. Dolivo. HOSTETTMANN (2001) précise que l’alcaloïde peut pénétrer à travers la peau.
Selon GRAVELINE et al. (2000), c’est probablement la plante la plus toxique d’Europe et ces auteurs recommandent de ne pas la cueillir. Ils précisent que l’ingestion de 3 à 4 g de racine fraîche peut tuer un homme en moins d’une heure. Ces valeurs sont corroborées par DEBELMAS et DELAVEAU (1983) et par BRUNETON (2001).
FERRAN (1969) précise que l’injection de 1 mg seulement d’aconitine entraîne la mort d’un adulte, alors que celle de 0,01 mg provoque vomissements, vertiges et brûlures d’estomac. Selon BRUNETON (2001), le seuil de toxicité pour l’homme –c’est-à-dire la dose à laquelle des symptômes d’empoisonnement apparaissent– avoisine la dose thérapeutique (0,25 mg), alors que la dose létale est de 3 à 5 mg.
La plante est si toxique qu’il est recommandé de ne pas installer de ruches dans une région où elle abonde: le miel peut en devenir vénéneux lui-même.
L’aconit était utilisé pour empoisonner gens et loups. FERRAN (1969) rapporte que les empoisonnements à l’aconit étaient si fréquents à Rome qu’en 117 après J.-C., Trajan en interdit la culture.
Enfreindre cet interdit était risquer la peine capitale (MANN 1996).
Pour lutter contre les loups, on préparait des appâts en mêlant de la racine d’aconit à de la viande avariée (FERRAN 1969). En 1731 et 1751, à Concise, le bailli ordonne de lutter contre les loups au moyen de saucissons et de boudins empoisonnés. Le poison n’est pas précisé, mais selon ROBERT (2003), il est probable que ce soit du suc d’aconit.
L’aconit était aussi «le poison à flèches le plus employé au Moyen-Âge» (MANN 1996). Cet auteur ajoute qu’il en était encore fait usage au XVIIe siècle dans la Péninsule Ibérique.
L’aconitine agit comme excitant puis paralysant des terminaisons nerveuses, provoquant des troubles de la sensibilité (HOSTETTMANN 2001). GIRRE (1980) souligne que cet alcaloïde agit sur le système nerveux central et peut provoquer la paralysie des jonctions nerveuses des centres respiratoires et des zones d’excitations cardiaques. Les symptômes d’un empoisonnement à base d’aconit sont d’abord un picotement de la langue, puis un fourmillement de la face et des extrémités, suivi d’une faiblesse musculaire croissante, accompagnée de nausées, de vomissements et d’hypotension. Les cas les plus sérieux entraînent une arythmie cardiaque, suivie d’une fibrillation ventriculaire irréversible (BRUNETON 1999, 2001).
GIRRE (1980) rapporte des cas d’intoxications collectives suivies de mort, chez des militaires au cours d’opérations survie: ils avaient mangé des racines d’aconits croyant que c’étaient des navets ! Avaient-ils consommé des racines d’Aconitum neomntanum ou d’A. compactum ? L’issue aurait-elle été autre s’ils avaient ingurgité l’une plutôt que l’autre espèce ? On ne peut répondre à ces questions tant qu’une analyse différentielle spécifique n’a pas été entreprise.
La sous-espèce Aconitum napellus subsp. corsicum est protégé au niveau national. Elle est, en outre, inscrite dans la liste des espèces végétales protégées en Corse.
La réputation de vénéneuse de l’aconit napel n’est pas usurpée.
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tiré du Bulletin du Cercle Vaudois de Botanique N° 33, 2004: 93-97
Bibliographie
1985. CRC Handbook of chemistry and physics. CRC Press, Boca Raton (USA). 2363 p.
BRUNETON J., 1999. Pharmacognosie. Phytochimie, plantes médicinales. Ed. Tec & Doc, Paris, Ed. médicales internationales, Cachan. 3e édition. 1120 p.
BRUNETON J., 2001. Plantes toxiques. Végétaux dangereux pour l’Homme et les animaux. Ed. Tec & Doc, Paris, Ed. médicales internationales, Cachan. 2e édition. 564 p.
COUPLAN F., 1990. Les belles vénéneuses. Plantes sauvages toxiques. Encyclopédie des plantes comestibles d’Europe, vol. 3. Ed. Equilibres, Flers. 379 p.
DEBELMAS A.-M., DELAVEAU P., 1983. Guide des plantes dangereuses. Maloine, Paris. 2e édition. 204 p.
DEMARQUE D., JOUANNY J., POITEVIN B., SAINT-JEAN Y., 1993. Pharmacologie et matière médicale homéopathique. Boiron, Sainte Foy-lès-Lyon. 453 p.
DUFOUR L., 1855. Cours élémentaire sur les propriétés des végétaux. Delafontaine, Lausanne, Meyruels, Paris. 499 p.