Les calendriers romains.
A Rome, le mois fut d’abord purement lunaire, comportant alternativement 29 et 30 jours. Le premier jour du mois se nommait calendae (calare, proclamer) parce que les pontifes proclamaient ce jour là les dates importantes. Primitivement l’année romaine n’avait que 10 mois (295 jours), trop courte de 70,25 jours par rapport à l’année tropique, et commençait le 1er mars. Ce jour de l’an parcourait donc à reculons en 5 années civiles le cycle complet des saisons, tombant au printemps, puis en hiver, puis en automne, puis en été, etc..
Les six derniers mois de l’année portaient alors comme nom celui de leur rang dans l’année, à savoir quintilis (5ème), sextilis (6ème), september (7ème), october (8ème) , november (9ème), december (10ème). Notre année actuelle a conservé les quatre derniers noms, bien que les mois qu’ils désignent soient devenus les 9e, 10e, 11e et 12e de notre année. Quintilis et sextilis deviendront Juillet et Août en l’honneur de César et Auguste. Quant à mars , il était consacré au dieu Mars ; avril vient d’aperire, ouvrir, c’est le mois des bourgeons ; mai est le mois de Maia, déesse de la croissance ; juin est sous la protection de Junon.
Mais une année de 10 mois était trop gênante, car beaucoup trop courte. Sous le règne de Numa Pompilius, sept cents ans avant notre ère, furent ajoutés januarius (11ème mois), dédié à Janus c’est notre janvier, et februarius (12ème mois), mois de purification qui ne comportait que 28 jours, dont nous avons fait février.
L’année comprenait alors 355 jours ; il manquait environ 10 jours pour se raccorder à l’année des saisons.
Il serait pénible et quasiment impossible de suivre les tâtonnements des Romains pour aligner leur année avec les saisons. Une réforme s’imposait. C’est Jules César qui l’accomplit.
Le calendrier julien.
C’est en l’an 708 après la fondation de Rome que Jules César fonde le calendrier julien. Cette année 708 de la fondation de Rome est une « année de confusion » car elle contient 445 jours pour rattraper le retard accumulé au cours des corrections antérieures. Le rattrapage est introduit dans l’année 46 avant J.C. et de ce fait le calendrier julien est mis en place le 1er janvier de l’an 45 avant J.C.
César fit venir d’Alexandrie l’astronome grec Sosigène et le prit pour conseiller. Il fut décidé que le futur calendrier ne tiendrait aucun compte de la Lune et s’ajusterait le mieux possible à l’année : le calendrier julien est essentiellement solaire. La réforme repose sur l’hypothèse que l’année tropique comporte exactement 365,25 jours (365 j 6 h) alors qu’elle est en réalité de 365 j 5 h 49 mn.
L’année civile devant avoir un nombre entier de jours, l’année commune fut fixée à 365 jours, trop courte d’un quart de jour. Pour lier le calendrier aux saisons, on décida de combler le déficit annuel d’un quart de jour par un jour additionnel tous les quatre ans, au mois de février.
Ce jour fut placé avant le 24 février pour des raisons liées à l’ancien calendrier en usage avant la réforme. Le 24 février était nommé sexto ante calendas martis (le sixième avant les calendes de mars). Ce jour supplémentaire intercalé tous les quatre ans s’appelle tout logiquement bis sexto ante calendas martis.
L’emprunt au bas latin bisextilis (de bisextus) à la fin du IVème siècle a produit en français moderne l’adjectif que nous connaissons aujourd’hui:bissextile.
D’autre part il fut décidé que l’équinoxe de printemps coïnciderait désormais avec le 25 mars. En même temps César ramena le début de l’année du 1er mars au 1er janvier. Le 1er janvier de l’an 45 avant notre ère inaugure donc la réforme julienne.
Inexactitude du calendrier julien.
L’année julienne est trop longue de 11 mn 14 s soit 0,0078 jour, par rapport à l’année tropique. En un siècle de 100 années juliennes, l’excès est 0,78 jour, soit trois quarts de jour environ. Au bout de quatre siècles le calendrier julien est en retard de 3 jours sur les saisons. L’inconvénient est négligeable à l’échelle d’une vie humaine. Mais un calendrier doit servir de base à l’Histoire. A une échelle longue les imperfections se révèlent.
Le Concile de Nicée.
En l’an 325 de notre ère, le concile de Nicée fixe la date de Pâques et édicte la règle qui est toujours en usage aujourd’hui : « Pâques est le dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune qui atteint cet âge au 21 mars ou immédiatement après »
La complexité de l’énoncé demande un certain nombre d’explications.
Si elle a reçu une définition de nature astronomique, la date de la nouvelle lune utilisée dans l’application de la règle n’est ni extraite de tables astronomiques ni obtenue par l’observation réelle du croissant de lune comme c’est le cas du calendrier musulman lunaire.
Selon la règle, Pâques ne saurait être le quatorzième jour de la lune. Donc Pâques est au plus tôt le 22 mars dans le cas où la Lune atteint ses quatorze jours le 21 mars. Si, comme en l’année 2000, le 14ème jour de la lune tombe le lundi 20 mars, il faut attendre le 14ème jour de la lune suivante qui tombe le mardi 18 avril. Pâques est donc fixé au dimanche suivant, le 23 avril. Si le 18 avril avait été un dimanche Pâques aurait été fixé au 25 avril, ce qui se produira en 2038. Ainsi la date de Pâques, et celles des fêtes qui s’y rattachent, la Pentecôte par exemple, vagabonde sur une période (du 22mars au 25 avril) dont la durée est de 35 jours.
Pourquoi avoir choisi la date du 21 mars comme référence ? Parce qu’en 325 l’équinoxe de printemps tomba le 21 mars. Jules César et Sisogène avaient prétendu fixer cet équinoxe au 25 mars. Mais près de 400 ans s’étant écoulés entre la réforme julienne et le Concile de Nicée, l’équinoxe devait devancer de 3 jours la date choisie. Le décalage réel étant de 4 jours, Sisogène s’était trompé d’un jour dans la détermination de l’équinoxe.
Les Pères de l’Eglise, présents au Concile, attribuèrent à Sisogène seul l’erreur de 4 jours. Il ne leur vint pas à l’esprit que la durée de l’année véritable pût différer de 365,25 jours d’une quantité suffisante pour entraîner jamais un désaccord grave. Ils pensèrent que l’équinoxe, observé le 21 mars à l’époque du Concile, tomberait désormais indéfiniment à cette date.
Dans les siècles qui suivirent, le calendrier julien continua, naturellement à dériver par rapport à l’équinoxe, qui s‘écarta peu à peu du 21 mars. L’Eglise s’en émut dès le VIIIème siècle : à suivre les prescriptions du Concile, Pâques, fête printanière, finirait à la longue à se célébrer au cœur de l’été. Une solution fut cherchée à l’occasion de divers conciles (Avignon, 1344 ; Constance,1415 ; Bâle, 1434) sans aboutir à une solution. Le Concile de Trente (1545-1553) agite encore la question sans conclure et s’en remet à la sagesse du Saint-Siège.
La réforme grégorienne (1582).
C’est le pape Grégoire XIII qui effectua la réforme. Dans ce but, il fait ériger au Vatican une tour d’observation (la Tour des Vents) qui deviendra l’observatoire du Vatican et il nomme une commission de réforme du calendrier composée de nombreux savants de l’époque. En 1582, l’équinoxe de printemps tombe le 11 mars, en avance de 10 jours sur la date qui lui avait été assignée par le Concile de Nicée. Trois solutions sont proposées pour retarder l’équinoxe de printemps :
- élimination durant 2 ans du dernier jour des mois de 31 jours. On supprime ainsi 14 jours et l’équinoxe tombe le 25 mars en accord avec le calage de Sisogène.
- Suppression de 10 années bissextiles entre 1584 et 1620. En 1620 l’équinoxe serait ramené au 21 mars.
- Suppression de 10 jours en 1582.
C’est cette dernière solution qui est adoptée et la réforme grégorienne s’énonce comme suit :
- l’année 1582 comporte 10 jours de moins. Le lendemain du jeudi 4 octobre est le vendredi 15.
- Les années sont bissextiles tous les 4 ans suivant la règle julienne.
- Les années séculaires sont communes, c’est à dire non bissextiles, sauf celles dont le nombre de siècles est divisible par 4.
Dans le calendrier grégorien les années séculaires, qui sont toutes bissextiles dans le calendrier julien, deviennent communes, sauf celles dont le nombre de siècles est divisible par 4. Ainsi l’année 2000, comme l’année 1600, est bissextile (de ce fait l’équinoxe tombe le 20 mars), alors que les années 1700,1800 et 1900 ne l’ont pas été.
L’année grégorienne est encore trop longue de 0,0003 jour. En 10000 ans notre calendrier comportera 3 jours de trop ; l’équinoxe tombera régulièrement le 18 mars. Mais quand on arrive à ce degré de précision d’autres facteurs d’égale importance entrent en jeu : diminution de l’année tropique (3 jours en 10000 ans), ralentissement de la rotation de la Terre (il donnerait 3,5 jours d’avance à l’équinoxe en 10000 ans). Ces trois causes distinctes, qui agissent dans le même sens, décaleront l’équinoxe de 10 jours environ en 10000 ans.
La mise en usage du calendrier grégorien.
La réforme de Grégoire XIII n’a pas été acceptée sans réticences surtout dans les pays protestants et orthodoxes qui ont préféré conserver un calendrier manifestement faux plutôt que de s’incliner devant le pape.
Comme à Rome, en Espagne et au Portugal le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 fut le vendredi 15 octobre.
En France, sous Henri III, le retranchement des 10 jours eut lieu en décembre de la même année : le lendemain du 9 fut le 20.
Aux Pays-Bas, le lendemain du 14/12/1582 fut le jour de Noël. Mais les provinces protestantes refusèrent de se plier au décret. La catholique Pologne reçut le calendrier en 1586, la Hongrie en 1587.
Dans les pays protestants, la révolte fut longue. « Les protestants, disait Képler, aiment mieux être en désaccord avec le Soleil, que d’accord avec le pape ».
Les protestants des Pays-Bas, d’Allemagne et de Suisse s’inclinèrent avec un siècle de retard, vers 1700. L’Angleterre et la Suède ne se sont alignées qu’en 1752. Ainsi Cervantès et Shakespeare, morts l’un et l’autre le 23 avril 1616, sont morts à 10 jours d’intervalle.
Les Russes, les Grecs, les Bulgares, les Yougoslaves, soumis à la religion orthodoxe ont conservé jusqu’au 20ème siècle le calendrier julien. Ils avaient alors 13 jours de retard (les 10 jours initiaux plus celui des années 1700, 1800 et 1900). L’URSS est donc passé du 1er au 15 février 1918. La révolution d’octobre 1917 a eu lieu en novembre (assaut du Palais d’Hiver le 25 octobre, en réalité le 7 novembre 1917).
Les églises orthodoxes orientales ont renoncé au calendrier julien en 1923. La Turquie l’a fait en 1924. Le Japon avait adopté le grégorien dès 1873. La Chine l’a fait en 1912.
Le calendrier grégorien peut être considéré aujourd’hui comme d’un usage à peu près universel . Les musulmans et les israélites s’y rallieront peut-être un jour.
source Université de la Nouvelle Calédonie