Mesdames, Messieurs,
A date, plusieurs foyers de transmission des virus du chikungunya, et dans une moindre mesure de la dengue, sont en cours dans les départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Bouches-du-Rhône. Les foyers les plus actifs concernent les communes de Vitrolles (41 cas), Fréjus (47 cas) et Antibes (38 cas). Des émergences de chikungunya ou de dengue ont également été observées dans plusieurs autres communes : Auribeau-Sur-Siagne, Nice, Roquebrune-sur-Argens, Cagnes-Sur-Mer, Rognac, Aubagne.
Dans ce contexte, nous attirons votre vigilance sur la nécessité de détecter précocement tout cas évocateur cliniquement, de prescrire les examens biologiques recommandés, d’indiquer les mesures de précautions aux patients et de signaler le plus rapidement possible tout cas confirmé au point focal de l’Agence Régionale de Santé Provence-Alpes-Côte-d’Azur (ARS PACA) pour déclencher les mesures de contrôle et de prévention afin de freiner la propagation du virus.
La présence de cas importés asymptomatiques ou n’ayant pas fait l’objet d’une confirmation biologique, la colonisation de la région PACA par le moustique tigre qui est très compétent pour transmettre la souche de chikungunya circulant dans l’Océan Indien et les conditions climatiques actuelles favorisent l’amplification de ces épisodes de transmission.
Dès la déclaration des premiers cas, l’ARS, en lien avec ses partenaires, a rapidement mis en œuvre les mesures de contrôle et de prévention autour des cas. Ces mesures visant à freiner la propagation du virus se poursuivent autour de chaque nouveau cas détecté. La détection de nouveaux cas depuis fin août indique néanmoins une circulation virale encore active et d’une persistance du risque de diffusion.
Pour poursuivre la gestion engagée pour ces situations à risque et limiter autant que possible l’impact sur la santé publique, nous attirons votre attention sur l’importance de :
- évoquer le diagnostic de chikungunya devant tout tableau clinique compatible, notamment de la fièvre associée à des arthralgies généralement intenses ; en particulier pour les patients ayant fréquenté les communes citées précédemment et toute personne revenant d’une zone de circulation du virus (régions du territoire hexagonal connaissant des foyers autochtones colligés sur le site de Santé Publique France ou séjour en zone intertropicale);
- prescrire des examens biologiques de confirmation selon la date de début des signes (cf annexe) en privilégiant les prélèvements précoces. La prescription doit cibler à la fois le virus de la dengue et du chikungunya. Le détail des tableaux cliniques à surveiller et la conduite à tenir figurent en annexe ;
- signaler, par tout moyen et le plus rapidement possible, tout cas ayant été confirmé biologiquement (cf démarche diagnostic biologique en annexe) au point focal régional de l’ARS PACA pour initier les investigations et des mesures de lutte antivectorielle adaptées. Pour rappel, le signalement des arboviroses est obligatoire (formulaires Cerfa de déclaration obligatoire) ;
- rappeler les messages de prévention aux patients dès la suspicion clinique et pour les cas confirmés jusqu’à la fin de leur virémie (7 jours après la date de début des signes) : limiter les déplacements, porter des vêtements couvrants et amples, utiliser un répulsif cutané[1], utiliser des diffuseurs électriques à l’intérieur des habitations, utiliser un ventilateur, mettre en place des moustiquaires sur le lit notamment des enfants et des personnes malades et si possible sur les ouvertures (portes et fenêtres) ;
- renforcer la vigilance sur la présence de moustiques au sein de vos cabinets / locaux. Il convient notamment de lutter contre les gîtes larvaires, propices à leur développement, en supprimant les eaux stagnantes à l’intérieur et autour des locaux (petits contenants comme les dessous de pots, les déchets, les gouttières, etc.).
Nous vous rappelons que votre agence régionale de santé peut vous apporter un appui dans la mise en œuvre de l’ensemble de ces recommandations.
Les coordonnées du point focal régional de l’ARS PACA sont les suivantes- ars-paca-alerte@ars.sante.fr– Tel : 04 13 55 80 00 |
Je vous remercie par avance pour la prise en compte de ces consignes.
La saison en cours est marquée par un nombre sans précédent de cas importés de chikungunya (près de 1 000 cas importés identifiés depuis le 1er mai jusqu’au 02 septembre 2025) dont la plupart proviennent de l’île de La Réunion. Ces cas sont à l’origine de nombreux foyers de transmission autochtone dans l’Hexagone. Ainsi au 02 septembre 2025, un total de 301 cas de chikungunya ayant acquis l’infection localement (cas autochtones) ont été détectés dans 7 régions (Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté) dont 3 régions où un épisode autochtone n’avait jamais été identifié auparavant (Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté).
Votre mobilisation est ainsi essentielle pour limiter la diffusion des maladies vectorielles à moustiques sur notre territoire.
Didier LEPELLETIER Directeur Général de la Santé Original signé | Yann BUBIEN Directeur Général de l’ARS PACA Original signé |
[1] https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/recommandations_voyageurs_2025_27_juin.pdf se référer à la page 70 et le tableau n°=9 des répulsifs cutanées page 73 |
Sites utiles
– Moustique tigre et lutte anti vectorielle | Agence régionale de santé PACA
– Le chikungunya – Santé publique France
– Professionnels de santé : Conseils et outils | Agence régionale de santé PACA
– Repère pour votre pratique (document destiné aux professionnels de santé mis à jour en 2024, Santé publique France)
– Moustiques vecteurs de maladies – Ministère de la Santé et de l’Accès aux soins (sante.gouv.fr)
– Carte de présence du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine – Ministère de la Santé et de l’Accès aux soins
Signes cliniques des arboviroses et traitement
– L’infection par le virus du chikungunya est le plus souvent symptomatique (dans 80% des cas). Le tableau clinique typique associe une fièvre élevée et d’arthralgies intenses prédominant aux extrémités des membres (poignets, chevilles, phalanges) et souvent une éruption cutanée maculopapuleuse. Les symptômes peuvent être aspécifiques (fièvre, céphalées, myalgies) et de faible intensité. L’évolution est le plus souvent favorable mais des arthralgies peuvent persister plusieurs semaines ou mois voire se chroniciser. Les formes chroniques, dont l’impact est important sur la qualité de vie, concernent 20 à 60% des patients selon les études (le lignage viral, la qualité des soins reçus et du dispositif de soins sont parmi les éléments évoqués pour ces différences). Outre les formes chroniques, des complications à type d’atteintes neurologiques ont été décrites. Les patients à risques de formes graves sont les patients atteints de comorbidités, les femmes enceintes, les immunodéprimés et les âges extrêmes de la vie (et en particulier les nouveau-nés dont la mère a fait une infection à chikungunya avant l’accouchement [2]). L’immunité acquise semble durable.
– L’infection par les virus de la dengue [3] provoque de fortes fièvres accompagnées de céphalées, de myalgies et d’asthénie. Si dans la majorité des cas il n’y a pas de complications, la maladie peut cependant évoluer vers des formes sévères (dengue hémorragique, notamment en cas d’infections répétées) entre le 4ème et le 6ème jour environ ; les signes d’alerte des formes sévères sont une fièvre >39°C après le 5ème jour, des douleurs abdominales importantes avec ou sans diarrhée, des vomissements incoercibles, une agitation ou une somnolence, des œdèmes, des signes hémorragiques. Elles surviennent plus souvent en cas de dengue secondaire et/ou en présence de comorbidités. Une hospitalisation peut alors s’avérer nécessaire.
La phase aiguë dure environ une semaine. Le traitement de ces arboviroses est avant tout symptomatique (antalgiques, antipyrétiques) ; l’aspirine et les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont contre indiqués. La prise en charge des patients atteints de formes chroniques du chikungunya repose sur des recommandations édictées en 2014 [4].
Diagnostic et signalement
Les arboviroses sont des maladies à déclaration obligatoire : (formulaires Cerfa de déclaration obligatoire)
La démarche de diagnostic biologique sur prélèvement sanguin est rappelée dans l’instruction du 12/12/2019 :
– Jusqu’à 5 jours après le début des signes (J5) : méthode RT-PCR sur sérum ;
– Entre J5 et J7 : méthode RT-PCR sur sérum et examen sérologique (recherche des IgG et IgM spécifiques) ;
– Après J7 : examen sérologique uniquement (recherche des IgG et IgM spécifiques) avec un second prélèvement de confirmation au plus tôt 10 jours après le premier.
Ainsi, il est primordial d’identifier avec précision la date de début des signes (DDS) afin de choisir les examens biologiques à réaliser. Les examens biologiques précoces (jusqu’à J7) par méthode RT-PCR doivent être privilégiés du fait de leur spécificité supérieure à la sérologie. Les IgM peuvent être identifiées à partir du cinquième jour après l’apparition des signes cliniques et persistent en moyenne 2 à 3 mois. Les IgG apparaissent quelques jours après les IgM et persistent toute la vie.
Les patients avec une symptomatologie évocatrice des virus de la dengue ou du chikungunya doivent ainsi être orientés vers un diagnostic biologique (RT-PCR et/ou sérologie, selon la date de début des signes). En raison de zones de circulation superposables et de signes cliniques similaires, les prescriptions doivent systématiquement cibler la dengue et le chikungunya. Ces examens peuvent être faits par tout laboratoire de biologie médicale et sont pris en charge dans les indications précisées dans la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM[4]). Chaque échantillon doit être accompagné de renseignements cliniques.
En ce qui concerne la dengue, à noter que la vaccination fièvre jaune peut induire une sérologie dengue faussement positive, par réactivité croisée entre flavivirus. Un test de confirmation par neutralisation des anticorps peut être réalisé dans ce cas par le CNR.
(2] La transmission verticale de la mère à l’enfant au deuxième trimestre de la grossesse a également été documentée, ainsi que la transmission intra-partum lorsque la mère était virémique au moment de l’accouchement.
[3] Il existe 4 sérotypes du virus de la dengue. Une infection par un sérotype confère une immunité contre ce sérotype mais pas contre les autres. On parle de dengue primaire lors d’une première infection par un virus de la dengue et de dengue secondaire lorsqu’un individu est réinfecté par un autre sérotype. Le risque de développer une forme grave semble plus important lors d’une dengue secondaire que lors d’une dengue primaire.
[4] Chikungunya recommandations nationales.doc
Dans le cadre d’une alerte ou d’une crise sanitaire, la Direction Générale de Santé (DGS), par l’intermédiaire du Centre Opérationnel de Régulation et de Réponse aux Urgences Sanitaires et Sociales (CORRUSS), diffuse pour information des messages de sécurité sanitaire (avis, recommandations et conduites à tenir), via l’envoi de DGS-Urgent, à l’ensemble des professionnels de santé inscrits au conseil de l’ordre compétent, en conformité avec l’article L. 4001-2 de la LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. |