Le courrier de décembre 2017 envoyé au Directeur de la CPAM13:
Le 04 décembre 2017.
Monsieur le Directeur de la CPAM 13,
Courant septembre 2017, la commission « pénalités pharmaciens » s’est réunie à 3 reprises pour recevoir quelques confrères et écouter leurs explications sur les nombreux indus qui leur avaient été opposés avec la possibilité d’établir des pénalités financières.
En dehors de la problématique des pénalités applicables, le Conseil d’Administration de notre Syndicat, qui a suivi de près ces réunions, a été profondément choqué par la mise en place d’indus d’un montant exorbitant pouvant intervenir plus d’un an après les faits reprochés.
Sur les 12 pharmacies de ces commissions pénalités, la moitié ont subi des indus sur des non-conformités d’ordonnances concernant des produits chers et sensibles. Le dossier d’une consœur a retenu plus particulièrement notre attention. Cette dernière a été informée par courrier RAR qu’un indu de plus de 100 000 euros allait lui être appliqué. Après avoir fait le tour des cabinets médicaux (pour la plupart hospitaliers) pour demander aux médecins des ordonnances conformes au CSS et au CSP, elle a pu justifier que ces indus portaient sur des dossiers non frauduleux avec prescription de médicaments bel et bien dispensés à des patients bien réels. De ce fait les indus ont été réduits de moitié. Malheureusement, il lui a fallu un peu plus de temps pour récupérer la deuxième moitié mais au final le préjudice pour votre caisse s’est élevé à exactement 20,93 euros pour double facturation.
Notre Conseil d’Administration souhaiterait vous interpeller sur 2 points :
- Comment vos services ont pu arriver à un tel montant d’indus chez une consœur dont la probité n’est pas en doute ?
- Comment peut-on demander une telle somme à une profession dont les marges sur les médicaments soumis à remboursement sont de plus en plus réduites ?
Pour la première question, il semble que vos services appliquent la « lettre de la loi » sans tenir compte de « l’esprit de la loi ». La lettre de la loi veut qu’un tampon mal imprimé, qu’une absence de date de naissance ou qu’un renouvellement de traitement trop rapide soit sanctionné sans discernement.
L’esprit de la loi doit tenir compte du contexte (Montesquieu « De l’esprit des lois » 1748) et particulièrement de l’obligation pour tout pharmacien d’assurer la continuité des soins.
Tous les pharmaciens concernés par ces indus (même ceux qui ne passent pas devant la commission des pénalités) ont dû consacrer un temps précieux à essayer de se rapprocher des médecins pour faire établir des duplicatas conformes des ordonnances initiales non conformes. Devons-nous refuser de pratiquer le tiers payant sur des traitements chers et sensibles pour la simple raison que le tampon est mal encré ou que la signature est illisible ? L’esprit de la loi doit permettre la délivrance d’un traitement anti-cancéreux à un patient sur une prescription mal libellée d’un hôpital qui se situe à plusieurs kilomètres de son domicile.
Le Pharmacien devrait avant tout être considéré comme un professionnel de santé responsable, qui met son savoir et ses actions au service de ceux qui en ont le plus besoin.
Pour la deuxième question, et en écartant les cas de fraudes avérées, il est totalement disproportionné de demander une somme correspondant à la totalité du médicament délivré alors que le bon sens voudrait que seule la marge du pharmacien soit en cause. Nous vous rappelons que le pharmacien qui achète un produit de plus de 1500 euros a une marge bénéficiaire de 97.60 euros. Nous sommes pour l’heure la seule profession à subir de telles sanctions financières (notez en annexe le traitement qui est fait aux banques dans le cadre d’une action frauduleuse avérée dans l’article de l’Obs de la semaine du 23/11/2017).
Enfin, pouvez-vous imaginer l’état de stress d’un pharmacien en difficulté financière ou ayant des difficultés personnelles (comme cela s’est produit d’ailleurs) qui reçoit un courrier RAR lui réclamant de tels montants d’indus ?
Ces questions, Monsieur Bertuccelli, ont déjà été évoquées en CPL et CPR mais n’ont pas retenu votre attention à leur juste valeur.
Nous avons fait part de notre consternation à notre fédération FSPF qui a demandé que le sujet soit débattu en CTPPN (commission technique paritaire permanente nationale). Si cela ne suffisait pas ou faute de compromis acceptable, nous n’hésiterions pas, tant notre révolte est sincère, à médiatiser auprès des médias nationaux notre impuissance à assurer sereinement la délivrance avec prise en charge des médicaments coûteux de nos patients.
En espérant que ce courrier aura suscité toute votre attention, nous vous prions, Monsieur le Directeur, d’accepter l’expression de nos salutations les plus distinguées.
Philippe LANCE Valérie de LECLUSE
Président Vice-Présidente