Un mois après la mise en place des honoraires, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) dresse un premier bilan de la nouvelle rémunération. Conclusions du syndicat, les gains sont au rendez-vous et il est vital de poursuivre la réforme. De leurs côtés, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) restent persuadées que l’honoraire à la boîte n’est pas adapté.
« La réforme est positive et la preuve commence à se faire par les chiffres », se félicite son président, Philippe Gaertner. Pour lui, ces premiers résultats confortent donc l’option du nouveau mode de rémunération choisi par son syndicat, même s’il aurait préféré un honoraire à l’acte. Mais avec ce dernier « on aurait crée un système avec au départ des gagnants et des perdants, contrairement à l’honoraire à la boîte », souligne le vice-président de la FSPF, Philippe Besset.
Compensation nécessaire.
Toutefois, la nouvelle rémunération ne permet pas de compenser entièrement les baisses de prix drastiques prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2015 et qui n’avaient pas été envisagées lors des négociations de 2013 avec l’assurance-maladie. Les règles du jeu ont changé en cours de route. À l’époque, les prévisions d’économies sur le médicament pour cette année visaient les 170 millions d’euros. Or on sera bien au-delà. Quant à l’évolution de la marge, elle devait être de -1,6 % par rapport à 2014. Mais selon les estimations de la FSPF, elle aura reculé plutôt de 3 % à la fin de l’année. Le compte n’y est pas et le syndicat mise sur la première réunion de l’observatoire sur la rémunération du 31 mars pour discuter d’éventuelles corrections à apporter. Mais attention, « si on revenait en arrière, le réseau rendrait plus de 4,5 millions d’euros de marge sur un mois », prévient Philippe Gaertner.
La Fédération regrette que la rémunération mixte n’ait été mise en place que le 1er janvier dernier. « Nous avons perdu un an », déplore Philippe Besset, pour qui l’assurance-maladie possède une grande responsabilité dans le report des négociations. Autre regret du vice-président de la FSPF : l’instauration en deux temps de l’honoraire à la boîte, d’abord 0,82 euro, puis 1,02 euro en 2016. « Les deux étapes étaient la condition posée par l’USPO** pour signer le point d’étape avec l’assurance-maladie, explique-t-il. Ce que nous avons accepté, mais cette organisation a retiré sa signature par la suite. » Résultat, « nous avons perdu 40 millions d’euros à cause de la première étape à 0,82 euro, ce qui pèse à présent sur les trésoreries », souligne Philippe Besset.
Demande de renégociations.
L’USPO n’arrive pas aux mêmes conclusions. Et pour son président, Gilles Bonnefond, la deuxième étape doit, au contraire, être annulée. Car « entre 1,81 euro et 10 euros le gain de marge en 2015 est provisoire, argumente le président de l’USPO. En 2016, tous ces médicaments verront leur marge baisser de 8 centimes ; au-delà de 10 euros, la baisse de marge sera de 8 centimes supplémentaires ». En fait, explique-t-il dans une vidéo diffusée sur le site Internet du syndicat , on concentre l’augmentation de la marge sur des médicaments peu chers, comme le paracétamol et l’homéopathie. « Et contrairement à ce qui est affirmé, la réforme ne protège pas des baisses de prix », affirme Gilles Bonnefond, qui déplore que l’honoraire ne soit pas lié à un acte mais à une marchandise. Il souhaite également que les honoraires soient intégrés dans l’arrêté de marge, et donc inclus dans le prix public, afin qu’il n’y ait plus de contestations sur leur paiement, notamment en cas de vente hors ordonnance. Enfin, il juge indispensable de signer un contrat avec l’État pour trois ans, qui définirait la marge de la pharmacie sur cette période. « Il faut revoir très vite ce système sans perdre du temps en bilans intermédiaires pour qu’une rémunération soit introduite progressivement à l’acte de dispensation, insiste le président de l’USPO. Plus de 6 000 pharmaciens ont déjà écrit au directeur de la CNAM pour demander l’ouverture des négociations sur la rémunération et un développement des nouvelles missions du pharmacien pour qu’il joue véritablement son rôle de professionnel de santé dans un parcours de soins des patients coordonné. »
Des honoraires à l’ordonnance.
L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) défend elle aussi un honoraire à l’ordonnance déconnecté des volumes. Pour l’organisation présidée par Jean-Luc Fournival, le principe de rémunération à l’honoraire actuel, « ne permet pas au pharmacien de conserver une rémunération stable en cas de baisses de prix ». L’UNPF a aussi fait marcher la calculette et estime que la nouvelle rémunération rapportera en moyenne 2 400 euros de plus par an et par pharmacie. Mais pour le syndicat, les gains seront emportés par les réductions tarifaires sur les médicaments. « Les seules baisses de prix enregistrées entre décembre et janvier ont déjà impacté de 1 300 euros par officine les marges, et la nouvelle marge n’atténue que de 10 % l’impact de ces baisses de prix », fait remarquer Martin Muller, chargé de l’économie à l’UNPF. Pire, si le paracétamol venait à voir la taille de son conditionnement augmentée, « on perdrait tout », craint-il. Comme l’USPO, le syndicat plaide en faveur d’une réouverture des négociations avec l’assurance-maladie. Il propose, à la place de l’honoraire à la boîte, un honoraire à l’ordonnance, mais aussi un honoraire de « responsabilité » pour les médicaments innovants et un autre pour la préparation des doses à administrer (PDA).
De son côté, la FSPF n’entend pas remettre en cause la réforme engagée. « Compte tenu de la situation économique observée sur l’année 2014 et de la fragilisation croissante des entreprises qui en résulte, une seule solution existe, assure le syndicat. Il est urgent et vital pour le réseau officinal de poursuivre l’instauration d’honoraires conventionnels et d’une rémunération mixte de la dispensation. Tout retour en arrière ou report de la modification d’ores et déjà prévue au 1er janvier 2016 ne ferait que pénaliser davantage les officinaux. »
Source : Le Quotidien du Pharmacien n°3162
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