Act Up-Paris détaille les « prétextes » avancés par de nombreux pharmaciens de la capitale pour ne pas distribuer cet outil de prévention.
Elle n’a pas encore colligé les résultats de son enquête mais ils n’en sont pas moins inquiétants. L’association Act Up-Paris, dans une lettre ouverte adressée à la fois à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, à la présidente de l’Ordre des pharmaciens Carine Wolf-Thal, à la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse et à la maire de Paris Anne Hidalgo, dit avoir constaté « que nombre de pharmacies parisiennes refusent de distribuer ou de vendre » des Steribox, dont le prix « atteint jusqu’à 12 euros dans certains établissements quand le prix de vente recommandé est de 1 euro ».
Le responsable de la commission Drogues et Usagers de l’association, Guillaume Antoniolli, précise qu’« un peu moins de 1 000 pharmacies » ont été visitées par des militants dans le cadre de cette enquête. À titre d’exemple, seules 4 officines des 16 que compte le Ier arrondissement distribue des Steribox, 5 officines sur 17 dans le IIe arrondissement ou encore 11 sur 18 dans le IIIe. « Nous voulions faire une cartographie des pharmacies parisiennes qui proposent le Steribox mais nous nous sommes rendu compte que le kit n’est pas ou peu disponible, raconte Rémy Hamai, l’ancien président d’Act Up-Paris, encore en fonction durant l’enquête.
Nous avons alors comparé nos résultats avec ceux d’anciennes enquêtes d’associations d’usagers de drogues : la situation a empiré. » Il explique ce « retour en arrière » notamment par l’arrivée de « jeunes titulaires qui ne sont pas formés ou informés du décret Barzach », une mesure qui a autorisé en 1987 la vente libre de seringues en pharmacie, en a permis l’échange et a lancé la distribution de Steribox.
D’autres pharmaciens « sont dans le rejet » ou dirigent le patient vers la salle de consommation à moindre risque, dite « salle de shoot », qui a ouvert à Paris, « pensant qu’ils n’ont plus besoin de distribuer de kits », voire qu’ils n’en ont plus le droit. Or la mesure de 1987, une mesure de santé publique visant à réduire les risques de contamination chez les usagers de drogue par voie injectable, est bel et bien toujours en vigueur. Guillaume Antoniolli rappelle en outre que certains usagers de drogues « gèrent très bien leur consommation et travaillent ». Il souligne enfin que la plupart des pharmacies réfractaires sont sous enseigne.
Quant au prix des Steribox, dans les pharmacies qui acceptent d’en vendre, Act Up-Paris indique que le montant de 12 euros relève d’« un cas particulier », n’ayant été constaté que dans une seule pharmacie, ouverte de nuit. « En général, le prix du kit ne dépasse pas 2 euros. »
L’association « exige que soit rendue obligatoire la distribution de Steribox gratuitement dans les pharmacies d’Île-de-France » – une idée que des parlementaires avaient évoquée en 2014, sans suite – et souhaite que soit « ajouté au Steribox un préservatif supplémentaire ». Pour rappel, il contient aujourd’hui deux seringues, deux coupelles pour préparer et chauffer des solutions pour injection, deux flacons d’eau pour préparation injectable, deux tampons d’alcool et un préservatif. À ce jour, seule Valérie Pécresse a réagi, « souhaitant absolument rencontrer » Act Up-Paris.
25 Mai 2018