Editorial de Brigitte Ferren, Présidente du Syndicat des Pharmaciens du Vaucluse – FSPF84

Chers pharmaciens,


On attend de moi -je le sais- que je m’exprime en cette période si compliquée pour tous et surtout pour nous pharmaciens et nos équipes.
Que vous dire qui puisse résonner au milieu de cette cacophonie ? Simplement mon ressenti personnel…


Comme vous je suis révoltée par cette histoire de masques ! Au début on en avait que l’on ne pouvait pas vendre, puis on nous a interdit d’en commander quand bien même on en aurait trouvé. Comme vous j’ai fait des petits paquets de 6, de 12, de 18, de 3, jour après jour avec des consignes changeant constamment. Comme vous j’ai consigné mes délivrances, envoyé l’état des stocks aux grossistes qui n’en voulaient pas, à la CPAM qui en voulait mais sous tableau Excel, puis finalement sur GoMask avec des spécialistes sortis d’on ne sait où qui m’en réservaient alors que j’en manquais pour les soignants de mon propre village.

Comme vous j’ai bravé le premier interdit en équipant mon équipe des masques issus du stock de l’Etat, avant d’en avoir enfin l’autorisation. Comme vous j’ai obéi et je n’ai pas pu dépanner mes patients âgés, malades, en ALD, sous chimio, mes pépés et mémés inquiets, mes femmes enceintes, etc…Comme vous je me suis énervée au téléphone devant ces demandes incessantes, à devoir me justifier puisque à la télé on disait que je devais en fournir, forcément… Et comme vous aujourd’hui j’apprends qu’après ces semaines de galère tout le monde pourra en trouver dans les grandes surfaces…Oui je suis en colère car après tous ces efforts, ces contraintes, on se prend en pleine face les contradictions de notre système et au final nous allons passer pour des menteurs, des incapables…si si vous verrez.
Je vous passe la guerre des prix, les reportages où certains de nos confrères se vantent d’avoir contrevenu à la loi et stocké des masques pour les revendre à des prix indécents, ou alors les donner, peu importe…Comment voulez vous garder un peu de crédibilité ?


Aujourd’hui on m’annonce des prix de cessions bloqués, mais qui du coup vont nous faire vendre à perte probablement. Je lis que l’on demande la réquisition des masques détenus par les grandes surfaces, enfin des tas de choses qui même si elles sont de nature à rétablir le droit et la justice vont brouiller encore plus les informations pour le grand public.
Et les masques « alternatifs » !…Tout le monde peut en vendre mais pas les pharmaciens…et puis si finalement sur décret paru un samedi soir, comme si par magie on avait pu en commander et les recevoir entre le samedi et le lundi.

Que fait le syndicat ( en tout cas au national car moi je me concentre uniquement sur les problèmes locaux que l’on me déclare) ? Je pense qu’il fait de son mieux, qu’il réclame des compensations, qu’il interpelle les pouvoirs publics, qu’il discute avec la CNAM, mais surtout qu’il consigne tous ces dysfonctionnements, tout ce que nous et nos équipes avons fait et faisons au quotidien pour demander des comptes ensuite et les rémunérations qui iront avec. Cela paraît probablement pas suffisant pour certains, mais moi j’observe un consensus syndical et interprofessionnel qui me donne de l’espoir et surtout me conforte dans l’idée que pour l’instant il n’y a pas d’autre possibilité d’action.


Alors puisque je vous ai cité mon cas personnel, voilà ma position : je vais acheter quelques masques en tissu, quelques masques chirurgicaux, des GHA ou SHA, des thermomètres et des gants : si j’en trouve ! Je ne me battrai pas pour en avoir ou en vendre, je ferai de mon mieux. De toute façon il y en aura bientôt de partout ! J’expliquerai à mes patients la pénurie et la réalité des choses, et je me concentrerai sur mon coeur de métier. Je laisse à d’autres le dumping, la guerre des prix, les publicités sur Facebook ou leurs sites marchands, et toute forme de compétition digne d’un commerçant et non d’un professionnel de santé.
Je n’en voudrais pas ni aux grossistes ni aux groupements qui eux aussi font de leur mieux et ont toujours été à nos côtés. Je vais laisser passer la vague…
Je serai en revanche au rendez-vous d’après…celui où les gratte-papiers viendront nous contrôler et nous demander des comptes nous qui auront été aux premières loges face à cette épidémie (et non en télé-travail…).


Je vous souhaite à tous bon courage.

Brigitte FERREN

Présidente du Syndicat des Pharmaciens du Vaucluse – FSPF 84

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