Rattachée au ministère chargé de l’Economie, la commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a notamment pour mission d’examiner les documents commerciaux ou publicitaires, les contrats entre revendeurs et fournisseurs et toutes pratiques susceptibles d’être regardées comme abusives dans la relation commerciale.
Elle rend des avis concernant notamment la conformité au droit de la pratique ou du document dont elle est saisie. Elle est composée d’un nombre égal de représentants des producteurs et des revendeurs, ainsi que de parlementaires, de magistrats, de fonctionnaires et de personnalités qualifiées.
Alertée, à de nombreuses reprises, sur la portée de certaines clauses des conditions générales de ventes fixées par certains grossistes-répartiteurs, la FSPF a saisi, le 16 avril 2015, la CEPC, afin de recueillir son avis sur deux types de clauses :
** les clauses prévoyant des frais à l’occasion de livraisons portant exclusivement sur des médicaments remboursables (I) ;
** les clauses imposant aux pharmaciens de maintenir un certain volume de commandes pendant la durée du préavis exécuté en cas de rupture des relations commerciales et prévoyant une clause pénale en cas de non-respect de cette obligation (II).
Dans son avis du 5 novembre 2015, la Commission s’est déclarée incompétente s’agissant de la première question et a, sur le second point, considéré que les clauses relatives au préavis et au maintien des volumes de commandes étaient acceptables.
Les frais de livraison
La CEPC s’est déclarée incompétente sur la problématique relative à la facturation de frais en cas de livraison portant exclusivement sur des médicaments remboursables.
Par conséquent et sous réserve d’une décision de justice contraire, il convient de s’appuyer sur la position de la Ministre chargée de la Santé, telle qu’exprimée en 2012.
En effet, selon cette dernière, la compensation financière des obligations de service public du grossiste répartiteur « est prévue dans le calcul de la marge fixé par l’arrêté du 4 août 1987 modifié relatif aux prix et aux marges remboursables, en application de l’article L. 162-38 du code de la sécurité sociale. Cet article dispose, en effet, que la fixation des marges prend en compte l’évolution des charges (dont notamment les frais inhérents à la gestion et à la livraison des spécialités), des revenus et du volume d’activité des entreprises concernées.
Dès lors, l’intégralité des charges correspondant à la livraison des produits pharmaceutiques remboursables aux pharmaciens entrant dans le cadre des obligations de service public, est financée par les marges des grossistes répartiteurs. »
Les frais de livraison des médicaments remboursables sont par conséquent déjà compris dans le prix fixé en application de l’arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables. La pratique visant à facturer des frais de livraison à l’occasion de commandes portant exclusivement sur des médicaments remboursables contrevient aux dispositions de l’arrêté susmentionné car elle conduit à majorer la marge du grossiste au-delà de ce que le barème de calcul permet.
Les grossistes-répartiteurs ne peuvent donc pas, sous réserve de décision de justice contraire, facturer de frais à l’occasion de livraisons portant exclusivement sur des médicaments remboursables.
De nombreux confrères se trouvant toutefois encore à ce jour confrontés à cette problématique, ce point a été inscrit à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Comité de Liaison de l’Officine, qui se réunira le 19 février prochain au ministère de la Santé.
Le maintien d’un certain volume de commandes pendant le préavis
Dans un second temps, la FSPF a souhaité connaître l’interprétation que la CEPC faisait de la disposition contractuelle réservant au fournisseur la possibilité de mettre en œuvre une clause pénale en cas de baisse significative du volume de commandes pendant la période de préavis.
La Commission a considéré que cette clause « n’apparaît pas déséquilibrée au sens de l’article L442-6-I, 2° du code de commerce, dès lors que la pénalité semble conforme aux bonnes pratiques ».
La FSPF ne peut que déplorer cette position.
En effet, s’il est acceptable que le pharmacien d’officine s’engage à poursuivre des relations commerciales pendant la durée du préavis, ce type de clause est souvent de formulation trop générale pour que le pharmacien puisse connaître l’étendue de ses obligations, tant lorsqu’il contracte que lorsqu’il résilie son engagement.
Ainsi, dans le cas d’espèce soumis à l’appréciation de la CEPC, les conditions générales de vente étaient muettes sur la période de référence au cours de laquelle la comparaison entre le niveau d’activité habituellement constaté et le niveau d’activité observé par le préavis devait être établie. Il était dès lors impossible de maintenir « le même niveau d’activité au fournisseur », ce « niveau » ne pouvant être prédéterminé.
Sur ce point, la Commission a admis que le fait que les conditions générales de vente n’apportent pas de précisions sur la période de référence utilisée pour faire le calcul et déterminer le « niveau de d’activité du fournisseur », constituait une difficulté.
Par ailleurs, l’activité du pharmacien d’officine est soumise à de nombreux aléas, comme par exemple le volume de prescription des médecins, l’état de santé des patients, les fermetures annuelles des officines pour congés éventuels.
En outre, en cas de rupture de stocks des grossistes-répartiteurs concernant certains médicaments et afin que les patients ne subissent aucun préjudice consécutif à un défaut d’approvisionnement, le pharmacien d’officine n’a d’autre choix que de recourir à un second grossiste répartiteur, dit « grossiste en second ».
Il ne peut donc être reproché au pharmacien d’officine, en pareil cas, de ne pas respecter un « quota » de commandes éventuel auprès de son fournisseur habituel.
Relevons enfin que la clause litigieuse permet au fournisseur de compenser le manque à gagner consécutif à une rupture du contrat et équivaut alors à une indemnité de rupture. Or, la rupture ne constitue pas, en elle-même, un manquement aux règles commerciales et n’a pas à faire l’objet d’une indemnisation. En effet, seul le caractère « brutal » d’une rupture, constaté par un tribunal saisi du litige, est susceptible de donner lieu à indemnisation.
En conclusion :
Bien que l’avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales paraisse contestable en ce qu’il semble avoir été rendu sans véritable appréhension de la situation des pharmaciens d’officine et, qu’en tout état de cause, il ne s’impose pas, en cas de litige, aux juridictions éventuellement saisies, il vous est conseillé de faire preuve de vigilance à l’occasion de :
votre engagement initial (première commande) : une attention particulière devra être portée sur les clauses relatives aux frais de livraison et à la résiliation du contrat ; ce sera éventuellement l’occasion de convenir, avec ce fournisseur, de conditions particulières de vente plus avantageuses ; en cas de présence d’une clause visant à un maintien d’un certain volume d’activité pendant le préavis, il conviendra de préciser la période de référence correspondant à ce volume d’activité ;
la réception de chaque livraison : nous vous conseillons de vérifier qu’aucun frais supplémentaire n’est perçu par le fournisseur lorsque la livraison porte exclusivement sur des médicaments remboursables ;
de la résiliation de votre contrat : il conviendra de lire attentivement les conditions générales de vente avant de résilier votre contrat.
Afin de protéger les intérêts des pharmaciens d’officine, la FSPF restera attentive au respect des règles rappelées par le ministère chargé de la Santé et vigilante quant à toutes dérives qui pourraient être constatées.
Nous vous conseillons néanmoins de prendre contact avec votre fournisseur habituel afin de lui signifier votre volonté d’être dorénavant averti, au préalable et par tout moyen conforme aux usages de la profession, de toute modification de ses conditions générales de vente.
En cas de doute sur les documents contractuels communiqués par votre fournisseur, n’hésitez pas à contacter votre syndicat départemental.
En cas de litige avec votre fournisseur, il peut être opportun de saisir les juridictions compétentes afin de contester la régularité de certaines pratiques commerciales.
L’avis du syndicat 13: Quand vous désirez changer de répartiteur, si votre situation le permet, n’hésitez pas à donner vos conditions générales d’achat si vous remarquez que les conditions générales de vente vous paraissent être pénalisantes pour votre pharmacie. Elles devront être écrites et signées par le directeur de l’agence que vous comptez faire travailler. Certains répartiteurs de notre département ont des conditions générales de vente drastiques, d’autres sont bien plus conciliants, à nous d’en tenir compte.