Intervention de Marisol Touraine – Dîner de l’association des pharmaciens juifs de France

marisol phiens juifs 2016.pgMonsieur le président,
Monsieur le grand Rabbin de France,
Messieurs les parlementaires et élus,
Monsieur le président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens,
Monsieur le président de l’association des médecins israélites de France,
Mesdames et messieurs les pharmaciens,
Mesdames et messieurs,

Je suis heureuse de pouvoir partager ce moment de convivialité avec vous et je veux en profiter pour vous adresser mes meilleurs voeux pour la nouvelle année. Que 2016 soit placée sous le signe de l’espérance, de l’apaisement, du rassemblement, mais aussi de l’épanouissement personnel et professionnel pour vous et vos proches.


L’année 2015 a été particulièrement éprouvante pour notre pays. Par deux fois, le terrorisme a frappé notre capitale. Ce sont nos libertés qui ont été visées et au premier rang d’entre elles notre liberté de croire et de nous exprimer. Nos modes de vie ont été pris pour cible, l’insouciance de notre jeunesse, qu’ils ont cherché à faucher. La République a répondu à ces attaques par la fermeté la plus totale et par une détermination renouvelée à défendre nos valeurs de liberté, de tolérance, de laïcité.

Dans ce climat troublé, les Français ont plus que jamais besoin de repères. Les professionnels de santé, pilier de notre République sociale, en sont un. Je pense évidemment à ces femmes et ces hommes mobilisés sur le terrain des attentats. Mais plus largement, c’est bien sur l’ensemble des acteurs de notre système de santé que nos concitoyens doivent pouvoir compter, et parmi eux les pharmaciens.

I- Votre rôle de conseil et de proximité est essentiel pour les Français. Votre capacité à innover aussi.

Je sais les inquiétudes qui entourent votre profession. Sur votre capacité à poursuivre votre mission dans les années à venir face à une réalité démographique qui vous concerne directement. Un médecin qui part en retraite sans être remplacé, c’est un risque pour le pharmacien. Les mesures que je porte pour inciter les jeunes médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés ont aussi pour effet de soutenir votre activité dans ces mêmes territoires. C’est une réalité qui n’épargne pas l’Ile-de-France.

Votre inquiétude, elle porte aussi sur la reconnaissance de votre place et de votre rôle. Les injonctions libérales et la volonté de « casser » des statuts pour donner le sentiment de briser des tabous sont réelles. Le débat sur la vente de médicaments sur internet et dans les supermarchés est fort, il a des relais puissants. Personne n’a jamais masqué ses positions et vous savez donc que ce débat eut lieu y compris au sein du Gouvernement. J’ai tenu bon. Pas parce que je considère notre système de santé comme immuable, bien au contraire. Mais parce que je crois fermement que le rôle de proximité du pharmacien est essentiel, vital même, pour notre système de santé. Or il est illusoire de penser que le maillage territorial des pharmaciens serait préservé si les grandes surfaces pouvaient vendre des médicaments.

Je crois aussi profondément à votre capacité d’innovation, de modernisation. Le débat de principe sur le tiers payant est incompréhensible pour les Français, qui sont chaque jour des millions à pousser la porte de leur pharmacie ! Les pharmaciens ont été précurseurs.

Cette capacité à innover est la meilleure réponse à ceux qui cherchent à dépeindre le métier de pharmacien comme immobiliste, voire dépassé. C’est ainsi que vous avez relevé le défi de l’expérimentation que j’ai lancée, relative à la « dispensation à l’unité  » pour les antibiotiques. 100 pharmacies sont concernées, dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ile-de-France, Lorraine et Limousin. Un rapport définitif d’évaluation sera réalisé. Dans un contexte où la lutte contre l’antibiorésistance doit être une priorité, l’adaptation des modalités de délivrance est un enjeu important de santé publique et nous devons nous assurer de la faisabilité et de l’efficacité du dispositif.

II- Renforcer votre rôle et votre place, c’est aussi l’un des axes de la loi de modernisation de notre système de santé, qui sera promulguée dans les jours à venir.

Les pharmaciens ont été un interlocuteur privilégié dans la préparation de ce texte, en particulier le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens que je tiens à saluer. L’ambition de ce texte, c’est de rendre notre système de santé plus efficace, plus juste, plus attractif.

Les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans cette nouvelle organisation. Pourquoi ? Parce que nous la construisons sur la proximité des soins dans les territoires. Or la proximité, c’est le socle de votre métier, que vous exerciez en officine, dans les laboratoires de biologie ou dans les établissements de santé.

L’enjeu, c’est de donner envie aux jeunes de s’installer, en simplifiant – c’est inscrit dans la loi – les conditions d’installation mais aussi en facilitant leur entrée dans le capital des officines. Les conditions de transfert et de regroupement d’officine sont également simplifiées. Aujourd’hui, le maillage territorial des pharmaciens d’officines permet aux Français d’avoir facilement accès aux médicaments (près de 22 500 officines sur l’ensemble du territoire). Ce maillage doit être préservé et amélioré.

Au-delà du projet de loi, de nombreuses initiatives ont été menées pour faire évoluer votre profession. De mon côté, j’ai engagé des travaux, sur l’évolution des rémunérations de la pharmacie d’officine. Des initiatives ont été prises sur le terrain pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus attentive au conseil prodigué, mais aussi vieillissante. Ce travail, il nous faudra le poursuivre en 2016.

Cette année 2016 marquera ainsi la deuxième année d’application de la réforme de l’honoraire de dispensation. L’ensemble des missions des pharmaciens d’officine – le conseil et l’accompagnement auprès des patients – doit être pris en compte et votre rôle en matière de santé publique doit être mieux reconnu. Les accords avec l’assurance-maladie et les représentants de la profession ont permis d’aller dans ce sens.

III- J’ai tenu à être parmi vous ce soir pour échanger sur la place et l’avenir de votre métier. Mais par ma présence, je veux aussi une nouvelle fois témoigner du soutien total de l’Etat à la communauté juive de France.

Je l’ai dit tout à l’heure, le terrorisme s’est attaqué, en janvier dernier, à notre liberté de croyance. A l’hypercasher, des juifs ont été tués parce que juifs. Des agressions se produisent régulièrement, encore récemment à Marseille. La réponse des pouvoirs publics est à chaque fois à la mesure de l’indignation suscitée par ces actes innommables. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont rappelé : nous ne laisserons rien passer.

Ne rien laisser passer, c’est aussi s’attaquer aux violences et aux discriminations du quotidien, qui frappent certains de nos concitoyens loin de la lumière médiatique. De par votre profession, vous avez un contact direct avec la population, plus direct encore que les autres car vos officines donnent sur la rue. Les attaques et les violences en direction des juifs, elles sont aussi verbales. Ces propos honteux se prétendent parfois des traits d’esprit, des plaisanteries. Ce ne sont que des agressions abjectes.

C’est aussi l’un des messages que j’ai tenu à vous faire passer ce soir, car nous le martèlerons jamais assez : la détermination du Gouvernement à protéger les juifs de France est totale. Aucune tolérance, aucune excuse, aucune banalisation : telle est notre ligne. Parce qu’il y va de la République. Une République forte et sûre d’elle c’est une République où chacun est blessé lorsqu’est blessé un juif parce qu’il est juif. Le premier Ministre l’a dit : la France ne serait pas la France sans les juifs de France. Je tenais à vous le dire à nouveau.

Je vous remercie.

Marisol TOURAINE

Les Pharmaciens du Sud

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