Ange-François (dit Angelo***) Mariani, un pharmacien corse presque aussi célèbre que Napoléon à la fin du XIXème siècle.

“Les Français devraient gagner la guerre, puisqu’ils avaient pour eux le coca Mariani, le roi des pinards”

disait le Maréchal Pétain juste avant la “Grande Guerre” (1914-1918).

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Le fameux vin Mariani était une combinaison judicieuse de vin et de coca. Angelo n’avait rien inventé mais il a su diffuser mondialement cette mixture particulièrement…euphorisante.

Pablo Escobar était un freluquet à coté d’Angelo Mariani car la cocaïne (coca) mélangée à l’alcool est un cocktail très revigorant et très prisé à la fin du XIXème siècle et ce vin tonifiant sera ingurgité à une échelle planétaire. 🙂

I. 1838-1859

Angelo Mariani, de son vrai nom Ange-François Mariani, est né le 17 décembre 1838 au sein d’une famille bourgeoise de médecins et de pharmaciens corses. On ne sait que peu de choses de ses jeunes années, avant qu’il ne se fasse connaître en tant qu’inventeur du vin tonique Mariani, l’ancêtre du coca-cola ! On sait qu’en 1859, il s’installa à Paris pour travailler comme chimiste. C’est à ce moment que Mariani a découvert les études de Paolo Mantegazza sur la plante de coca. Il fut ensuite fasciné par la découverte d’Albert Niemann : la cocaïne.

 

II. 1862

Quelques années plus tard, en 1862, le phylloxéra ravagea la France. Ce petit parasite arriva sur le bétail importé en bateau à vapeur depuis les États-Unis et apparut d’abord dans la vallée du Rhône. Il lui fallut moins d’une saison pour inonder la vallée, puis gagner la vallée voisine. Puis une autre. Et une autre. Et encore une autre. En moins de dix ans, les vignes françaises furent décimées et la production de vin tomba en chute libre.
Cette tragédie modifia la consommation des Français qui se tournèrent davantage vers les spiritueux. Les pousse-cafés, le sherry, et l’absinthe remplacèrent le vin. C’est alors qu’Angelo mis sa fascination pour la coca en bouteille et changea la manière de boire du monde entier. Pour toujours.

III. 1863

En 1863, alors âgé de seulement 25 ans, Mariani commercialisa un médicament breveté qu’il baptisa Vin Tonique Mariani à la Coca du Pérou.

Composé d’une infusion de 3 variétés de feuilles de coca dans du vin de Bordeaux, le Vin Tonique Mariani fut immédiatement salué comme un stimulant idéal de l’estomac, un analgésique des voies respiratoires et des cordes vocales, un coupe-faim, un anti-dépresseur, et comme traitement de l’anémie. La dose recommandée était de deux ou trois verres de vin par jour bus 30 minutes avant ou juste après le repas. Chaque verre de 30ml de vin Mariani contenait 6 milligrammes de principe actif, la cocaïne.

« J’ai à vous adresser mille remerciements, cher Monsieur Mariani, pour ce vin de jeunesse qui fait de la vie, conserve la force à ceux qui la dépensent et la rend à ceux qui ne l’ont plus »
(Emile Zola, 1895)

IV. 1864-1883

Mariani ne s’est pas arrêté à ce simple succès. Dans son laboratoire de Neuilly-sur-Seine, il développa l’Elixir Mariani, une version spiritueuse avec trois fois plus de principe actif. Il produisit ensuite le Pâté Mariani et les Pastilles Mariani, supposés renforcer les cordes vocales. Suivirent ensuite les bains de bouche, spray et infusions. Mais aucun autre produit ne reçut autant de louanges que le Vin Tonique Mariani.
Têtes couronnées, papes, chefs d’état, scientifiques, inventeurs, écrivains, danseurs, tous adoraient le Vin Mariani. Léon XIII, Pie X, la Reine du Portugal, Le Roi d’Espagne, le Prince de Bulgarie, la Reine de Roumanie, le Roi du Cambodge, le Président des Etats-Unis Mc Kinley, l’ambassadeur de l’empereur de Chine, Raymond Poincaré, Anatole France, Felix Faure, Maurice Bertheaux, Thomas Edison, Alexandre Dumas, Sarah Bernhardt, Jules Verne, HG Wells, Emile Zola, Loïe Fuller, Auguste et Louis Lumière, Edmond Rostand, Louise Michel, Auguste Rodin, Louis Blériot, Georges Feydeau, Jules Renard, Puvis de Chavanne, Georges Courteline, Octave Mirbeau, Eugene Grasset, Henri Martin, Henrik Ibsen, Le préfet Poubelle, René Bazin, Jules Simon, Leon Bloy, Mucha, Odilon Redon, Cécile Sorel, Emile Loubet…

Angelo Mariani possèdait un bon sens commercial. Il eut la bonne idée d’imposer la publicité du vin Mariani par des personnalités de son époque, et gratuitement en plus ! Un album de 14 volumes a ainsi été édité contenant les propos flatteurs des célébrités sur le vin Mariani et ses dérivés (élixir, infusion, pâte tonique et pectorale, …).

On trouve parmi ces messages de reconnaissance envers Angelo Mariani et son breuvage, les propos du pape Leon XIII, de la reine Victoria et des souverains de Russie, de Suède, de Norvège, des présidents de Etats-Unis Grant et Mac Kinley, tout comme ceux de Dumas fils, Edmond Rostant, Emile Zola, Anatole France,Jules Verne, Charles Gounod (photo)…, de nombreux artistes du monde de la chanson, du théatre et du cinéma, et du scientifique Thomas A. Edison (photo). Outre ces ouvrages, Angelo Mariani avait développé d’autres support publicitaires sous la forme de contes, de cartes postales, d’affiches et de médailles, toutes illustrées par des artistes renommés


Le succès appelle toujours la concurrence. Des imitations virent le jour : la Coca des Incas ou le Vin des Incas, par exemple.V. 1884-1885

En 1884, un pharmacien, John S. Pemberton, lança le French Coca Wine à Atlanta, en Georgie. Et il aurait sans doute connu un autre succès fulgurant s’il n’avait pas contenu du vin.

Le Klu Klux Klan lutta activement pour le faire interdire, et obtint sa prohibition en 1885. Pemberton dut reformuler son produit, et remplaça le vin par de l’extrait de cola et du soda. Le Coca-cola était né.

VI. 1904-1914

Le fort taux de cocaïne du produit de Pemberton ainsi que d’autre concurrents américains forcèrent Mariani a augmenter ses dosages à 7.2mg de cocaïne par verre pour le marché US. Mariani ouvrit un bureau au 52 West 15th Street à New York, ainsi que des filiales à Londres et Montréal.
Le siècle touchant à sa fin, il devint finalement flagrant en Europe et aux États-Unis que la dépendance à la cocaïne était un véritable problème. Coca-Cola fut forcé de dénaturer son extrait de coca en 1904. Deux ans plus tard, le Pure Food and Drug Act obligea Mariani à affirmer qu’il n’y avait pas de cocaïne, et seulement des feuilles de coca, dans son vin. Mais le vote du Harrisson Act en 1914 contrôlant encore plus étroitement les ventes de feuilles de coca et de ses dérivés signa la fin des ventes américaines de vin Mariani.
Cela importait peu à Angelo Mariani. Son tonique ne contenait déjà plus de cocaïne à partir de 1910. En 1914, trois mois avant que n’éclate la première guerre mondiale, le chimiste s’éteint, emportant le secret de son merveilleux vin dans la tombe.

Il est enterré au cimetière du Père Lachaise, à Paris.

 

 

 

 

NDLR: *** Angelo Mariani a italianisé son prénom sans doute pour protéger ses activités commerciales. L’ année 1870 correspond à une période troublée puisque Napoléon III cristallise à cette époque la haine des Parisiens envers les Corses. Sa trop grande prudence fit que l’on perdit jusqu’à la mémoire de son nom dans le village même d’où il est originaire!
d’autres liens intéressants: source Exposition Universelle des Vins et Spiritueux

http://thenonist.com/index.php/thenonist/permalink/vin_mariani/

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206027c

Cinquante ans se sont passés avant que l’on s’aperçoive des effets négatifs de la morphine. Le cycle est de quinze ans pour la cocaïne, il se raccourcit encore pour l’héroïne: cinq ans séparent les débuts de son utilisation thérapeutique et la découverte de son caractère nocif.

En France, c’est la guerre de 14-18 qui développe les préoccupations à l’égard de la toxicomanie. On dénonce, au sein de l’armée, l’usage abusif de la morphine et de la cocaïne, deux produits fabriqués en Allemagne et présentés comme « l’arme des Boches ». La loi du 12 juillet 1916 est votée comme une « mesure d’urgence », sans qu’il y ait aucune opposition éthique ou politique.

 


 

 

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