Classement des salariés vaccinateurs en suivi individuel renforcé de leur état de santé 2025-09

L’essentiel

Fréquemment interrogés sur le classement des salariés vaccinateurs en suivi individuel de leur état de santé par le médecin du travail, la présente circulaire revient sur les raisons qui peuvent justifier un tel classement et vous présente les marges de manœuvre dont dispose l’employeur pour tenter de l’éviter.


Fréquemment interrogés sur le classement des salariés vaccinateurs en suivi individuel de leur état de santé par le médecin du travail, il nous semble opportun d’expliciter les raisons qui peuvent justifier un tel classement (I) et de vous présenter les marges de manœuvre dont dispose l’employeur pour tenter de l’éviter (II).

I/ Le classement des salariés vaccinateurs en suivi individuel de leur état de santé

Avant de s’interroger sur les marges de manœuvre dont dispose l’employeur face à une proposition de classement des salariés vaccinateurs en suivi individuel de leur état de santé (SIR) (II), il convient de comprendre les raisons qui motivent les services de santé au travail (SST) à proposer un tel classement (A) et de rappeler ses conséquences concrètes (B).

A/ De nouvelles missions qui impliquent de nouveaux risques

Depuis plusieurs années, pharmaciens et préparateurs en pharmacie se voient confier des « nouvelles missions » par les pouvoirs publics : vaccination, tests de dépistage…

Ces nouvelles missions peuvent également faire peser de nouveaux risques sur le personnel officinal. C’est principalement le cas de la vaccination, avec le risque d’accident exposant au sang (AES).

Nombreux sont nos adhérents à nous indiquer que leur service de santé au travail motive le classement des salariés vaccinateurs en SIR motif pris de leur exposition à la grippe ou à la covid-19. Or, une telle motivation n’est pas pertinente puisque la manipulation d’un vaccin n’est pas, en soi, susceptible de transmettre la maladie. Quant au risque d’une contamination aéroportée, les salariés vaccinateurs n’y sont pas plus exposés que les salariés affectés à la délivrance des médicaments au comptoir, voire même que les salariés des autres commerces, qui sont au contact de clients malades, ou porteurs de maladies non déclarées.

D’autres adhérents nous ont fait part de cas de classement en SIR en raison de l’exposition des salariés vaccinateurs aux agents biologiques pathogènes des groupes 3 et 4[1]. Une telle motivation du classement en SIR des salariés vaccinateurs est plus pertinente. En effet, si la contamination par certains de ces agents biologiques peut être évitée grâce à la vaccination (Covid-19, hépatite B, grippe[2]…), les groupes 3 et 4 des agents biologiques pathogènes recensent également des maladies transmissibles par un contact au sang, et contre lesquelles il n’existe aucun vaccin (VIH notamment).

Dès lors, le risque ne pouvant être totalement être écarté, le classement des salariés en SIR peut se justifier.

B/ Les conséquences d’un classement en suivi individuel renforcé

Les salariés classés en SIR bénéficient d’une surveillance accrue de la part du service de santé au travail qui passe par un examen médical tous les quatre ans (tous les cinq ans en cas de suivi individuel classique) par le médecin du travail (par un professionnel de santé du travail : interne en médecine du travail, infirmier…, en suivi individuel classique) et une visite intermédiaire (au plus tard deux ans après l’examen médical) par un professionnel de santé du travail.

Hormis l’aptitude du salarié à occuper son poste, ces examens sont aussi l’occasion de sensibiliser le salarié aux risques encourus ainsi qu’aux moyens de prévention à mettre en œuvre, voire de proposer des adaptations de son poste de travail.

Le classement en SIR des salariés implique également, pour l’employeur, une augmentation de la tarification de sa cotisation au service de santé au travail.

Les missions des services de santé au travail ne se résumant pas qu’aux seuls examens médicaux des salariés, les employeurs dont certains salariés sont classés en SIR ne doivent pas hésiter à solliciter l’expertise de leur service de santé au travail pour obtenir des conseils et un accompagnement dans la mise en place de mesures de prévention de nature à minimiser les risques.

II/ De quelles marges de manœuvre dispose l’employeur ?

Si l’évaluation des risques et la mise en œuvre de dispositifs de prévention sont autant d’outils dont dispose l’employeur pour tenter de limiter la réalisation du risque (A), le risque zéro n’existe pas. A ce titre, le médecin du travail demeure seul compétent pour décider du suivi de l’état de santé des salariés et l’employeur a l’obligation de tenir compte de ses recommandations sous peine de manquer à son obligation de santé et de sécurité (B).

A/ Evaluation des risques et dispositifs de prévention : diminuer le risque le plus possible

Bien que le risque de contamination à des agents biologiques pathogènes des groupes 3 et 4 contre lesquels il n’existe aucun vaccin ne puisse être totalement écarté, l’employeur dispose de plusieurs moyens, qu’il doit mettre en œuvre, pour diminuer la probabilité de réalisation de ce risque.

Ces moyens sont :

  • l’évaluation des risques, au moyen de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)[3];
  • au vu de cette évaluation, la mise en place de dispositifs de prévention:
    • équipement de protection individuelle des salariés vaccinateurs : blouse, charlotte, masque, lunettes de protection, utilisation de gants anti-piqûre ;
    • affectation à la vaccination des seuls salariés vaccinés contre l’hépatite B (voire contre la grippe et la covid-19) ;
    • procédures de prise en charge des accident d’exposition au sang : formation des salariés pour connaître les premiers soins à prodiguer (cf. la fiche pratique de l’INRS « conduite à tenir en cas d’accident avec exposition au sang » jointe à la présente circulaire).

La mise en place de ces mesures peut permettre de minimiser les risques et de démontrer au service de santé au travail que le classement en SIR des salariés vaccinateurs n’est peut-être pas nécessaire.

B/ L’employeur doit tenir compte des recommandations du médecin du travail

Quels que soient les moyens de prévention mis en place par l’employeur, et dans la mesure où la réalisation du risque ne peut être totalement écartée, le médecin du travail demeure seul compétent pour apprécier l’opportunité de classer les salariés en SIR.

Cette appréciation s’effectue en fonction du poste occupé, mais également de l’état de santé de chaque salarié, ce dernier élément n’étant pas nécessairement connu de l’employeur (exemple des facteurs aggravants en cas de contamination à la covid-19).

L’employeur étant seul compétent pour modifier le type de suivi de l’état de santé de ses salariés, le service de santé au travail ne peut formuler que des propositions. Ces propositions ne doivent toutefois pas être prises à la légère.

En effet, face à une recommandation de son service de santé au travail de classer ses salariés vaccinateurs en SIR, l’employeur peut faire valoir qu’il n’y est pas favorable, compte tenu des moyens de prévention mis en place dans son officine. Toutefois, à défaut de réussir à convaincre son service de santé au travail de revenir sur sa proposition, l’employeur est tenu, en vertu des dispositions du code du travail, d’en tenir compte[4]

A défaut, l’employeur manque à son obligation de santé et de sécurité de ses salariés et pourrait voir sa responsabilité engagée, pour faute inexcusable, avec ce que cela implique en termes d’indemnisation de son salarié, dans l’hypothèse où l’un de ses salariés serait contaminé à la suite d’un accident avec exposition au sang.

Pour conclure, si malgré les mesures de prévention mises en place par l’employeur, le service de santé au travail considère qu’un ou plusieurs salariés doivent être classés en suivi individuel renforcé de leur état de santé, en raison notamment de leur activité de vaccination ou autre, l’employeur a l’obligation de s’y conformer.

L’employeur pourra, s’il estime que la recommandation de son service de santé au travail n’est pas justifiée, saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de contestation de la proposition du médecin du travail, en application de l’article L. 4624-7 du code du travail, afin de faire trancher le différend.

[1] Selon les dispositions de l’article R. 4624-23 du code du travail, l’exposition aux agents biologiques des groupes 3 et 4 mentionnés par l’arrêté du 16 novembre 2021 fixant la liste des agents biologiques pathogènes justifie un classement en SIR.

[2] A toutes fins utiles, précisons que la grippe saisonnière relève du groupe 2 des agents biologiques pathogènes et qu’à ce titre, le risque de contamination par la grippe ne peut, à lui seul, constituer un motif pertinent de classement des salariés en SIR. La recommandation d’un classement en SIR par un service de santé au travail motivée exclusivement par l’exposition au virus de la grippe peut donc être écartée. La Covid-19, quant à elle, relève du groupe 3.

[3] La FSPF a mis au point, en partenariat avec l’INRS, un outil en ligne d’aide à la rédaction du DUERP (cf. notre circulaire n° 2023-22 du 11 mai 2023).

[4] Cf. article L. 4624-6 du code du travail.

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