Le “Crystal” de Breaking Bad et le IIIème Reich: tous camés?

Still of Bryan Cranston and Aaron Paul in Breaking Bad
Photo Credit: Ben Leuner/AMC

Peu avant la seconde guerre mondiale, en Allemagne, le Dr Fritz Hauschild, chef du département chimie des usines Temmler de Berlin ( société pharmaceutique allemande Temmler Werke GmbH), a eu vent d’une substance nommée Benzédrine, une amphétamine pas encore interdite comme produit dopant et qui aurait fortement influencé les résultats des sportifs allemands durant les jeux Olympiques de Munich en 1936.

Les Laboratoires Temmler mettent alors toutes leurs ressources à l’œuvre pour développer une substance qui permettrait d’accroître la productivité, répondant à une idéologie parfaitement dans l’air du temps. Hauschild a alors recours aux travaux de chercheurs japonais qui avaient déjà réussi à synthétiser en 1887 une molécule extrêmement psychostimulante nommée hydrochlorure de N méthylamphétamine, puis à la cristalliser (crystal ou ice au XXI siécle ) sous une forme purifiée en 1919.

Ce “tonique” est fabriqué à partir de l’éphédrine, une substance naturelle qui dilate les bronches, stimule le cœur et coupe l’appétit. Hauschild perfectionne le produit et, à l’automne 1937, découvre un nouveau procédé pour synthétiser la méthamphétamine. Peu après, le 31 octobre 1937, les usines Temmler déposent à Berlin le brevet de leur propre version de ce psychotrope, première métamphétamine allemande qui surclasse largement en puissance la Benzédrine américaine. Nom commercial : la Pervitine.   (Après la guerre, Hauschild est devenu l’un des plus importants médecins sportifs de la RDA et, à partir des années 1950 dans son institut de l’université de Leipzig, fut à l’origine du programme de dopage qui transforma la République démocratique en géant sportif. L’inventeur de la pervitine se vit remettre en 1957 le prix national de la RDA).

En 1937, c’est un médicament, en vente libre dans les pharmacies, disponible sans ordonnance. La campagne de publicité qui l’accompagne en fait très vite un produit très répandu dans la société civile : les gens l’utilisent pour lutter contre la fatigue et favoriser la concentration.

Un chocolatier berlinois a même l’idée d’en mettre dans des pralines ! Et les médecins militaires de l’armée allemande ne vont pas tarder à y voir un intérêt : la Pervitine va être distribuée massivement aux soldats. Même quand ce produit va être considéré, par la suite, comme une drogue et ne sera plus disponible en vente libre, il sera consommé massivement pas les officiers et les soldats.

Bataille de France (10 mai 1940)

La drogue du Blitzkrieg

Le rôle de la drogue dans la guerre n’est pas une nouveauté, mais tout l’intérêt de ce documentaire est de montrer que l’utilisation de la Pervitine par les nazis suivait une stratégie bien précise : la distribution aux pilotes d’avions et aux chauffeurs de Panzer est très organisée.

Au printemps 40, la Wehrmacht achète 35 millions de doses de Pervitine pour en distribuer à ses troupes : la percée des Ardennes, qui va mettre la France à genoux, est certainement due en partie à cette drogue euphorisante qui permet de ne pas dormir et donne un sentiment de toute puissance. Le Blitzkrieg, la guerre éclair, repose sur la Pervitine. Car même avec les meilleurs blindés et la meilleure stratégie, un seul facteur reste indomptable pour toute armée : le sommeil. Avec la Pervitine, les soldats ne dorment plus, ou presque.

Morts par arrêt cardiaque

Inutile de dire que la dépendance est considérable, tout comme les effets secondaires : des hallucinations, des maladies de peau et surtout la perte de la sensation de faim et de soif, jusqu’à en oublier de manger et de boire. Beaucoup de morts par arrêts cardiaques de soldats allemands seraient dus à cette drogue.

Hitler prenait-il de la Pervitine ?

Beaucoup d’indices vont dans ce sens.


Précisions que la Pervitine existe toujours, sous un autre nom : le “crystal“. Sans doute les “consommateurs” d’aujourd’hui n’ont-ils aucune idée dans le rôle que cette drogue a joué dans l’Histoire comme véritable arme de guerre nazie.

NDLR: Evidemment, les alliés utilisaient aussi des “stimulants” pendant la guerre. L’exemple le plus fameux fut le général britanique Montgomery et sa 8ème armée contre le maréchal Rommel en Afrique du Nord. Le général Montgomery savait que les soldats allemands marchaient à la Pervitine alors il a commandé aux services de Santé anglais 200.000 doses de Benzedrine (Laboratoires Smith, Kline and French) ce qui a permis de faire reculer le corps expéditionnaire de Rommel!

La Benzedrine a été massivement utilisée par les aviateurs anglais qui se distinguaient par leur courage (chimique?) en bombardant à très basse altitude malgré la “Flak” allemande.

 


Une vidéo absolument passionnante sur la Pervitine

durant la seconde guerre mondiale.

 

Ange-François (dit Angelo***) Mariani, un pharmacien corse presque aussi célèbre que Napoléon à la fin du XIXème siècle.

“Les Français devraient gagner la guerre, puisqu’ils avaient pour eux le coca Mariani, le roi des pinards”

disait le Maréchal Pétain juste avant la “Grande Guerre” (1914-1918).

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Le fameux vin Mariani était une combinaison judicieuse de vin et de coca. Angelo n’avait rien inventé mais il a su diffuser mondialement cette mixture particulièrement…euphorisante.

Pablo Escobar était un freluquet à coté d’Angelo Mariani car la cocaïne (coca) mélangée à l’alcool est un cocktail très revigorant et très prisé à la fin du XIXème siècle et ce vin tonifiant sera ingurgité à une échelle planétaire. 🙂

I. 1838-1859

Angelo Mariani, de son vrai nom Ange-François Mariani, est né le 17 décembre 1838 au sein d’une famille bourgeoise de médecins et de pharmaciens corses. On ne sait que peu de choses de ses jeunes années, avant qu’il ne se fasse connaître en tant qu’inventeur du vin tonique Mariani, l’ancêtre du coca-cola ! On sait qu’en 1859, il s’installa à Paris pour travailler comme chimiste. C’est à ce moment que Mariani a découvert les études de Paolo Mantegazza sur la plante de coca. Il fut ensuite fasciné par la découverte d’Albert Niemann : la cocaïne.

 

II. 1862

Quelques années plus tard, en 1862, le phylloxéra ravagea la France. Ce petit parasite arriva sur le bétail importé en bateau à vapeur depuis les États-Unis et apparut d’abord dans la vallée du Rhône. Il lui fallut moins d’une saison pour inonder la vallée, puis gagner la vallée voisine. Puis une autre. Et une autre. Et encore une autre. En moins de dix ans, les vignes françaises furent décimées et la production de vin tomba en chute libre.
Cette tragédie modifia la consommation des Français qui se tournèrent davantage vers les spiritueux. Les pousse-cafés, le sherry, et l’absinthe remplacèrent le vin. C’est alors qu’Angelo mis sa fascination pour la coca en bouteille et changea la manière de boire du monde entier. Pour toujours.

III. 1863

En 1863, alors âgé de seulement 25 ans, Mariani commercialisa un médicament breveté qu’il baptisa Vin Tonique Mariani à la Coca du Pérou.

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Le Dieu des Herboristes:

1883. Guimet, industriel et collectionneur, s’associe au spécialiste de la Chine De Groot pour une mission particulière : étudier et rapporter de Chine des centaines de statuettes de divinités.
Parmi ces dernières, De Groot acquiert ce dieu à la peau dorée et à la mine impressionnante, dont l’histoire est plutôt originale.

Il s’agit de Shennong, l’un des dieux les plus importants du panthéon chinois. Et pour cause, c’est lui qui aurait enseigné l’agriculture aux hommes, d’où sa popularité ! En plus de ses attributions de dieu de l’agriculture, Shennong a d’autres cordes à son arc.

C’est lui qui aurait, tout simplement, jeté les bases de la pharmacopée traditionnelle chinoise, en compilant dans un ouvrage des centaines de recettes médicinales à base de plantes, minéraux et animaux. Quant à sa technique pour élaborer les fameuses recettes, elle est particulièrement dangereuse.

En effet, pour être certain des propriétés des plantes médicinales, Shennong les aurait toutes testées… sur lui-même ! Au rythme effroyable de 70 plantes ingérées par jour, le dieu serait parvenu à observer leurs conséquences sur le corps.
Une variante de la légende prétend même que son estomac, transparent, permettait de voir les effets de la plante lors de sa digestion.

Le résultat est plutôt tragique : les plantes pouvant être à la fois bénéfiques et mortelles, Shennong s’intoxique à plusieurs reprises et finit par succomber à l’absorption de l’une d’entre elles…

Mais ses courageuses découvertes ont été récompensées : patron des herboristes, il est aussi sollicité pour obtenir de bonnes récoltes. On lui donne également une stature impériale, d’où ce petit chapeau plat et ce manteau doré typiques des empereurs chinois et des personnages de haut rang !

Le pharmacien maudit de Roumanie, partenaire diabolique de l'”ange de la mort”.

Avant la deuxième Guerre Mondiale, Capesius, pharmacien de son état, avait acquis une certaine notoriété en faisant des affaires dans toute la Transylvanie. Marié en 1934, Capesius travailla un temps comme représentant d’I.G. Farbenindustrie AG. Il connaissait nombre de pharmaciens et de médecins en Transylvanie auprès desquels il distribuait des produits de la firme.
C’est unique dans les annales d’Auschwitz: Il arrivait que Capesius, posté sur le quai de débarquement, connaisse personnellement certaines des victimes, leurs femmes ou leurs enfants. Il se retrouva même un jour face à une famille entière qui le reconnut et qui le salua. Il l’envoya directement à la chambre à gaz. «Ne soyez pas inquiets. Allez prendre un bain et revenez dans une heure avec les autres» disait calmement celui qu’on surnomma le pharmacien d’Auschwitz. Le journaliste-écrivain saxon Dieter Schlesak a passé 30 ans à enquêter sur le tortionnaire et lui a consacré un livre. Il confie : «C’était absolument horrible !».
Marié en 1934, Capesius travailla un temps comme représentant d’I.G. Farbenindustrie AG. Il connaissait nombre de pharmaciens et de médecins en Transylvanie auprès desquels il distribuait des produits de la firme. Il en tira une certaine notoriété.

Dieter Schlessak connut personnellement le pharmacien. A ce sujet, il précise : «Capesius est né à Reussmarkt mais il a vécu dans ma ville natale, Sighisoara, avec son frère et sa femme, viennoise et à moitié juive ! Il tenait la pharmacie Zur Krone. Je l’ai connu quand j’étais enfant. Il me donnait des bonbons à la menthe et il faisait même la cour à ma mère ! Cette proximité ne m’a pas rassuré pour autant et cela ne m’a pas empêché d’écrire un livre sur lui. Beaucoup de victimes juives de Târgu-Mures ou de Sighişoara sont passées entre ses mains, à Auschwitz».

Il assistait le sinistre Docteur Mengele au camp d’extermination d’Auschwitz. Chargé de «trier» les personnes déportées selon les besoins du tortionnaire nazi, Victor Capesius, saxon natif de Miercurea Sibiului (en photo, avec des lunettes noires, lors de son procès en 1963) a ainsi décidé du sort de milliers de déportés en envoyant à la chambre à gaz tous ceux qu’il considérait comme inaptes au service.

Les atrocités commises par Victor Capesius condamné pour le meurtre de 8 000 personnes sont revenues, par un pur hasard, à la une de la presse internationale. Le propriétaire d’une maison près d’Auschwitz-Birkenau trouva dans un mur qu’il démolissait, 65 ans après la fin de la 2ème guerre mondiale, 280 documents-archives SS (certificats de décès, fiches de services, fiches d’expérimentation, etc.).
Ces documents témoignent de la sinistre besogne effectuée par le criminel de guerre Josef Mengele – qu’on appelait «l’Ange de la mort» – et celle de certains de ses proches collaborateurs, comme Capesius qui avait notamment la haute main sur la fourniture du Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz. Une grande partie de ces notes faisaient référence à Capesius, fait attesté par le Dr Adam Cyra du musée d’Auschwitz. Capesius a pourtant nié en permanence sa participation aux atrocités d’Auschwitz mais les documents qui ont été découverts prouvent bien qu’il a envoyé des milliers de personnes à la mort.
En outre, il se trouvait à Auschwitz en 1944 quand les Juifs hongrois commencèrent à y arriver. Beaucoup le reconnurent et ceux qui survécurent purent l’accuser lors des procès qui suivirent la libération des camps.
L’histoire de Capesius est, à peu de chose près, identique à celle de son mentor, Mengele. Il commença sa carrière militaro-médicale dans l’armée roumaine, à Bucarest, d’où il partit vers le front. En 1943, il s’enrôla dans la Wermacht et servit dans la machine de guerre de l’Allemagne nazie, occupant des postes médicaux à Varsovie, Berlin et Dachau. Dès sa première incorporation dans la capitale polonaise, il est intégré aux Waffen SS et reçoit le grade de Hauptsturmführer (capitaine) et ultérieurement celui de Sturmbannführer (major). Comme membre de la SS, il est envoyé à Auschwitz pour y remplacer le pharmacien-chef, décédé. Il occupa ce poste jusqu’à la libération du camp le 27 janvier 1945. Il essaya d’effacer toute trace de ses méfaits. Il parvint à échapper à l’Armée rouge mais il est arrêté par les Anglais dans le land de Schleswig-Holstein.
Rapidement libéré, le pharmacien s’installe à Stuttgart et essaie de se construire une nouvelle vie. Il s’inscrit à un cours d’électronique. Il aurait pu réussir si le coiffeur d’Auschwitz, Léon Czekalski, ne l’avait pas reconnu à la gare de Munich. S’ensuivirent deux internements à Dachau et à Ludwigsburg mais la police militaire américaine ne rechercha pas les preuves de son activité à Auschwitz. Il est libéré en 1947. Revenu à Stuttgart, il est embauché dans une pharmacie. En 1950, il créait sa propre affaire à Göppingen. On raconte que ses affaires avaient largement prospéré grâce aux biens qu’il avait dérobés aux Juifs. Au milieu des années 50, Capesius gérait un salon de cosmétiques à Reutlingen et en 1958, il se trouvait à la tête d’une confortable affaire qui comptait 12 salariés pour un chiffre d’affaires de 400 000 marks.

La vie tranquille du tortionnaire prit fin quand, le 1er mars 1958, Adolf Roegner, ex-préposé au gazage à Auschwitz, enfermé à Bruchsal, demanda dans une lettre envoyée au procureur, l’arrestation et la condamnation d’autres bourreaux. Ne voulant pas être le seul à porter le chapeau, il donna, à titre indicatif, le nom d’un certain Wilhelm Boger, ainsi que son adresse. Les autorités s’en saisirent.
En octobre 1958. Boger est arrêté. Parallèlement, une série de documents SS découverts à Breslau en 1945 parvinrent au procureur général de Francfort, Fritz Bauer. Celui-ci décida d’ouvrir une enquête qui devait se terminer six ans plus tard. C’est ainsi que Capesius se retrouva à nouveau dans le box des accusés. 359 martyrs-rescapés de différents pays témoignèrent à l’audience publique. Une première sentence fut prononcée contre des criminels nazis d’Allemagne fédérale.
Cette fois, Capesius est condamné à 9 ans de prison pour complicité dans la mort de 8 000 personnes. Il n’en fit que 3. Il ne reconnut jamais explicitement sa faute mais s’en prit au régime communiste en demandant : «Comment des témoins roumains ont-ils obtenu le droit de venir à Francfort pour participer à l’audience ?» Dieter Schlesak précise : «Capesius a toujours affirmé que l’atmosphère d’Auschwitz le déprimait». Il y avait de quoi ! Mais il est certain qu’il tentait de brouiller les pistes pour essayer d’amadouer les juges.

Au cours du procès, il nia avoir aidé Mengele pour les opérations de tri, affirmant qu’il n’avait été qu’un simple spectateur. Il assura même avoir été confondu avec l’un de ses acolytes, le Dr Klein. Capesius gérait l’intendance des boîtes de Zyklon B, utilisées pour le gazage et celles de phénol pour les injections létales dans le cœur. Il affirma que ce qu’il avait fait était «normal» : «On ne discute pas les ordres, on les exécute». Il voulait «sauver la patrie du bolchevisme».
Pendant sa détention, sa femme continua de gérer ses affaires. A sa libération en janvier 1968, un fait curieux se produisit. L’ex-tortionnaire, assistant à un concert en ville, fut acclamé par le public. Dieter Schlesak explique : «On savait qu’une partie de la population était hostile aux procès d’Auschwitz. Ceux qui ont applaudi Capesius avaient eux-mêmes un lourd passé criminel pour lequel ils n’avaient pas encore été jugés. Pour eux, ces procès étaient l’œuvre des puissances victorieuses».
Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le gouvernement de Konrad Adenauer comptait beaucoup d’hommes qui avaient appartenu à l’appareil nazi !

Dieter Schlesak raconte : «J’ai revu Capesius en 1976, à Göppingen en Allemagne dans sa pharmacie, construite avec les dents en or de ceux qu’il avait fait gazer. C’est aussi l’un des motifs de sa condamnation au procès d’Auchwitz à Francfort. Mais je ne peux pas oublier qu’il a été aussi l’ami de mes parents, qu’il a fait la cour à ma mère quand elle était jeune. Pour moi, il a été comme un bon oncle. Mais comment a-t-il pu tuer ces milliers de femmes et d’enfants ? Dès que j’ai appris à ma grande stupéfaction qu’il avait été le tueur d’Auschwitz, j’ai voulu le revoir. Je l’ai donc retrouvé. Nous avons discuté, lui et sa femme, d’Auschwitz. Je connaissais déjà beaucoup de choses sur son “activité” là-bas. Il m’en a parlé comme s’il était étendu sur le divan de Freud, se libérant peut-être pour la première fois, devant un microphone, de ses horribles souvenirs. Oui, c’est trop simple d’en faire un monstre.
La réalité, c’est qu’il était un petit-bourgeois, saxon et discipliné. Il a exécuté les ordres, comme on le lui avait appris à la maison et il a été trop faible pour résister. Mais là, c’était une situation extrême : il était contaminé par l’idéologie nazie. »
Victor Capesius est mort à Berlin en 1985.

source les Nouvelles de Roumanie (Juillet Août 2015)

“L’estomac bien accroché” Où l’on apprend à rapidement changer de métier

Le Géographe et Le Naturaliste, deux gabares de l’expédition Baudin en Terres autrales, Atlas de Freycinet, 1807, gravure

Le Havre, 1800. Le jeune Lesueur entend parler d’une expédition scientifique sur le point de partir pour les Terres australes (situées entre l’Afrique et l’Antarctique). Une grande aventure comme il en rêve lui tend les bras !

Avec ses talents de dessinateur, il est sûr de se faire engager. Oui mais voilà… l’expédition a déjà fait le plein d’artistes et de scientifiques. Que faire ?

Il en faut plus pour décourager le jeune homme ! Fils d’officier de marine, il a déjà navigué comme membre d’équipage sur la Manche.

Il se fait donc embaucher comme timonier novice (assistant du marin qui conduit le bateau). Adieu le port du Havre, c’est le grand départ ! Un petit coup de pouce du destin l’éloigne cependant bien vite des manœuvres navales.

Car les membres de l’expédition scientifique n’ont pas tous le pied marin… Lors d’une escale sur l’île Maurice, une partie de l’équipe débarque, découragée. Certains tombent malades et meurent.

Si bien que Lesueur est propulsé “peintre-dessinateur d’histoire naturelle” de l’expédition ! Au fil des étapes, accompagné du zoologiste François Perron, il réalise près de 1500 dessins de la flore et de la faune australes.

Charles Willson Peale, Portrait de Charles-Alexandre Lesueur, 1818 (cliquez sur l’image pour agrandir)

De retour en France, Lesueur reprend ses croquis pour en tirer de superbes aquarelles d’une grande maîtrise technique.
Le travail colossal des deux hommes est finalement, à la demande de l’empereur, compilé en volumes dont le premier est édité en 1807.

2 500 nouvelles espèces sont ainsi répertoriées. Une base de données aussi titanesque que magnifique dont les scientifiques se servent aujourd’hui encore… Une chance que Lesueur ne soit pas resté simple matelot !

Charles-Alexandre Lesueur, Nouvelle-Hollande : Nouvelles Galles du Sud. Ornithorynques, dans Voyage de découvertes aux Terres australes, années 1800, Biodiversity Heritage Library, Boston (cliquez sur l’image pour agrandir)

2ème Guerre Mondiale, nom de code : « Amidon ».

Les Laboratoires Hoescht sous contrôle américain en 1946.
Les Laboratoires Hoescht sous contrôle américain en 1946.

En 1938, les Drs Max Bockmül et Gustav Elrhart, qui travaillaient sur ce projet, finirent par créer un opiacé synthétique et qui portait à l’époque le numéro de série « Hoescht 10820» et l’appellation de « Polamidon ». Les scientifiques de Hoescht firent quelques essais qui montrèrent que c’était bien un analgésique, plus puissant que la péthidine (L’ancien Dolosal® en France), avant d’en déposer le brevet le 25 septembre 1941, et ensuite de le tester sous secret militaire sous le nom de code « Amidon ».

Il semble que les essais cliniques n’aient pas été concluants, soit parce que les doses étaient inappropriées, soit parce que les effets secondaires furent jugés trop importants, soit parce que la proximité de la fin de la guerre empêcha tout développement. Quoi qu’il en fut, les recherches continuèrent et il n’y eu pas de production commerciale ni de marque déposée du produit « Hoescht 10820 » alors qu’en 1944 la production de péthidine atteignit 1600 kilos par an.

Après la guerre, toutes les marques et brevets allemands furent réquisitionnés par les alliés et la firme Hoescht tomba dans le secteur américain qui prit le contrôle de la production. La formule du n°10820 (Polamidon) et tous les produits de la frime furent distribués un peu partout dans le monde et commercialisés par de nombreuses sociétés pharmaceutiques. Cette diffusion eut pour conséquence d’arrêter toutes les recherches en cours ainsi que la production de péthidine après la guerre. D’ ailleurs celle-ci fut remplacée par une production de pénicilline.

Après 1945, les entreprises qui reçurent la formule gratuitement purent exploiter la molécule sous l’appellation commerciale de leur choix. Ainsi la compagnie pharmaceutique américaine Eli-Lilly créa la marque déposée Dolophine ®, non en souvenir d’Adolph (Hitler) comme la légende le dit mais plus probablement à la suite de l’association de deux termes français « douleur » et « fin ».

Dolophine®
Dolophine®

En 1947, des chercheurs commencèrent des expérimentations avec la Dolophine® (méthadone) sur des patients et des animaux. Ils donnèrent à des volontaires jusqu’à 200mg de méthadone 4 fois par jour et constatèrent que ces patients développaient rapidement tolérance et euphorie. Ils furent donc obligés de diminuer les doses d’autant plus que les effets secondaires étaient sévères (signes de toxicité, inflammation de la peau, profonde narcose), mais ils observèrent ainsi que les morphinomanes y répondaient très positivement.

Ils en conclurent, en toute logique médicale, que la méthadone avait un potentiel d’accoutumance et de toxicité très élevés et mirent les autorités en garde contre la production non contrôlée de la « méthadon », telle qu’on la nommait à l’époque.

De nombreuses recherches furent effectuées entre 1945 et 1950, et toutes reconnurent ses puissants effets analgésiques. Cependant leurs conclusions montrèrent toujours que la méthadone avait peu d’avantages sur d’autres préparations disponibles et beaucoup de désavantages : nausées, dépression respiratoire, potentiel de dépendance, etc. En conséquence, elle fut peu utilisée en médecine jusqu’en 1964, date à laquelle Vincent Dole et Marie Nyswander qui recherchaient un opiacé de synthèse efficace par voie orale dans le traitement des héroïnomanes, découvrirent la méthadone dans la littérature scientifique.

La méthadone devint ainsi rapidement un enjeu économique puis politique. Durant l’année 1964, les Etats-Unis en consommèrent plus d’une dizaine de tonnes et aujourd’hui, la méthadone est l’opiacé de synthèse le plus utilisé pour le traitement des personnes dépendantes à l’héroïne, aux Etats-Unis comme en Europe et dans beaucoup d’autres pays.

Extrait tiré du livre “Les drogues dans l’histoire: entre remède et poison: archéologie d’un savoir … Par Michel Rosenzweig

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