Avant la deuxième Guerre Mondiale, Capesius, pharmacien de son état, avait acquis une certaine notoriété en faisant des affaires dans toute la Transylvanie. Marié en 1934, Capesius travailla un temps comme représentant d’I.G. Farbenindustrie AG. Il connaissait nombre de pharmaciens et de médecins en Transylvanie auprès desquels il distribuait des produits de la firme.
C’est unique dans les annales d’Auschwitz: Il arrivait que Capesius, posté sur le quai de débarquement, connaisse personnellement certaines des victimes, leurs femmes ou leurs enfants. Il se retrouva même un jour face à une famille entière qui le reconnut et qui le salua. Il l’envoya directement à la chambre à gaz. «Ne soyez pas inquiets. Allez prendre un bain et revenez dans une heure avec les autres» disait calmement celui qu’on surnomma le pharmacien d’Auschwitz. Le journaliste-écrivain saxon Dieter Schlesak a passé 30 ans à enquêter sur le tortionnaire et lui a consacré un livre. Il confie : «C’était absolument horrible !».
Marié en 1934, Capesius travailla un temps comme représentant d’I.G. Farbenindustrie AG. Il connaissait nombre de pharmaciens et de médecins en Transylvanie auprès desquels il distribuait des produits de la firme. Il en tira une certaine notoriété.
Dieter Schlessak connut personnellement le pharmacien. A ce sujet, il précise : «Capesius est né à Reussmarkt mais il a vécu dans ma ville natale, Sighisoara, avec son frère et sa femme, viennoise et à moitié juive ! Il tenait la pharmacie Zur Krone. Je l’ai connu quand j’étais enfant. Il me donnait des bonbons à la menthe et il faisait même la cour à ma mère ! Cette proximité ne m’a pas rassuré pour autant et cela ne m’a pas empêché d’écrire un livre sur lui. Beaucoup de victimes juives de Târgu-Mures ou de Sighişoara sont passées entre ses mains, à Auschwitz».
Il assistait le sinistre Docteur Mengele au camp d’extermination d’Auschwitz. Chargé de «trier» les personnes déportées selon les besoins du tortionnaire nazi, Victor Capesius, saxon natif de Miercurea Sibiului (en photo, avec des lunettes noires, lors de son procès en 1963) a ainsi décidé du sort de milliers de déportés en envoyant à la chambre à gaz tous ceux qu’il considérait comme inaptes au service.
Les atrocités commises par Victor Capesius condamné pour le meurtre de 8 000 personnes sont revenues, par un pur hasard, à la une de la presse internationale. Le propriétaire d’une maison près d’Auschwitz-Birkenau trouva dans un mur qu’il démolissait, 65 ans après la fin de la 2ème guerre mondiale, 280 documents-archives SS (certificats de décès, fiches de services, fiches d’expérimentation, etc.).
Ces documents témoignent de la sinistre besogne effectuée par le criminel de guerre Josef Mengele – qu’on appelait «l’Ange de la mort» – et celle de certains de ses proches collaborateurs, comme Capesius qui avait notamment la haute main sur la fourniture du Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz. Une grande partie de ces notes faisaient référence à Capesius, fait attesté par le Dr Adam Cyra du musée d’Auschwitz. Capesius a pourtant nié en permanence sa participation aux atrocités d’Auschwitz mais les documents qui ont été découverts prouvent bien qu’il a envoyé des milliers de personnes à la mort.
En outre, il se trouvait à Auschwitz en 1944 quand les Juifs hongrois commencèrent à y arriver. Beaucoup le reconnurent et ceux qui survécurent purent l’accuser lors des procès qui suivirent la libération des camps.
L’histoire de Capesius est, à peu de chose près, identique à celle de son mentor, Mengele. Il commença sa carrière militaro-médicale dans l’armée roumaine, à Bucarest, d’où il partit vers le front. En 1943, il s’enrôla dans la Wermacht et servit dans la machine de guerre de l’Allemagne nazie, occupant des postes médicaux à Varsovie, Berlin et Dachau. Dès sa première incorporation dans la capitale polonaise, il est intégré aux Waffen SS et reçoit le grade de Hauptsturmführer (capitaine) et ultérieurement celui de Sturmbannführer (major). Comme membre de la SS, il est envoyé à Auschwitz pour y remplacer le pharmacien-chef, décédé. Il occupa ce poste jusqu’à la libération du camp le 27 janvier 1945. Il essaya d’effacer toute trace de ses méfaits. Il parvint à échapper à l’Armée rouge mais il est arrêté par les Anglais dans le land de Schleswig-Holstein.
Rapidement libéré, le pharmacien s’installe à Stuttgart et essaie de se construire une nouvelle vie. Il s’inscrit à un cours d’électronique. Il aurait pu réussir si le coiffeur d’Auschwitz, Léon Czekalski, ne l’avait pas reconnu à la gare de Munich. S’ensuivirent deux internements à Dachau et à Ludwigsburg mais la police militaire américaine ne rechercha pas les preuves de son activité à Auschwitz. Il est libéré en 1947. Revenu à Stuttgart, il est embauché dans une pharmacie. En 1950, il créait sa propre affaire à Göppingen. On raconte que ses affaires avaient largement prospéré grâce aux biens qu’il avait dérobés aux Juifs. Au milieu des années 50, Capesius gérait un salon de cosmétiques à Reutlingen et en 1958, il se trouvait à la tête d’une confortable affaire qui comptait 12 salariés pour un chiffre d’affaires de 400 000 marks.
La vie tranquille du tortionnaire prit fin quand, le 1er mars 1958, Adolf Roegner, ex-préposé au gazage à Auschwitz, enfermé à Bruchsal, demanda dans une lettre envoyée au procureur, l’arrestation et la condamnation d’autres bourreaux. Ne voulant pas être le seul à porter le chapeau, il donna, à titre indicatif, le nom d’un certain Wilhelm Boger, ainsi que son adresse. Les autorités s’en saisirent.
En octobre 1958. Boger est arrêté. Parallèlement, une série de documents SS découverts à Breslau en 1945 parvinrent au procureur général de Francfort, Fritz Bauer. Celui-ci décida d’ouvrir une enquête qui devait se terminer six ans plus tard. C’est ainsi que Capesius se retrouva à nouveau dans le box des accusés. 359 martyrs-rescapés de différents pays témoignèrent à l’audience publique. Une première sentence fut prononcée contre des criminels nazis d’Allemagne fédérale.
Cette fois, Capesius est condamné à 9 ans de prison pour complicité dans la mort de 8 000 personnes. Il n’en fit que 3. Il ne reconnut jamais explicitement sa faute mais s’en prit au régime communiste en demandant : «Comment des témoins roumains ont-ils obtenu le droit de venir à Francfort pour participer à l’audience ?» Dieter Schlesak précise : «Capesius a toujours affirmé que l’atmosphère d’Auschwitz le déprimait». Il y avait de quoi ! Mais il est certain qu’il tentait de brouiller les pistes pour essayer d’amadouer les juges.
Au cours du procès, il nia avoir aidé Mengele pour les opérations de tri, affirmant qu’il n’avait été qu’un simple spectateur. Il assura même avoir été confondu avec l’un de ses acolytes, le Dr Klein. Capesius gérait l’intendance des boîtes de Zyklon B, utilisées pour le gazage et celles de phénol pour les injections létales dans le cœur. Il affirma que ce qu’il avait fait était «normal» : «On ne discute pas les ordres, on les exécute». Il voulait «sauver la patrie du bolchevisme».
Pendant sa détention, sa femme continua de gérer ses affaires. A sa libération en janvier 1968, un fait curieux se produisit. L’ex-tortionnaire, assistant à un concert en ville, fut acclamé par le public. Dieter Schlesak explique : «On savait qu’une partie de la population était hostile aux procès d’Auschwitz. Ceux qui ont applaudi Capesius avaient eux-mêmes un lourd passé criminel pour lequel ils n’avaient pas encore été jugés. Pour eux, ces procès étaient l’œuvre des puissances victorieuses».
Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le gouvernement de Konrad Adenauer comptait beaucoup d’hommes qui avaient appartenu à l’appareil nazi !
Dieter Schlesak raconte : «J’ai revu Capesius en 1976, à Göppingen en Allemagne dans sa pharmacie, construite avec les dents en or de ceux qu’il avait fait gazer. C’est aussi l’un des motifs de sa condamnation au procès d’Auchwitz à Francfort. Mais je ne peux pas oublier qu’il a été aussi l’ami de mes parents, qu’il a fait la cour à ma mère quand elle était jeune. Pour moi, il a été comme un bon oncle. Mais comment a-t-il pu tuer ces milliers de femmes et d’enfants ? Dès que j’ai appris à ma grande stupéfaction qu’il avait été le tueur d’Auschwitz, j’ai voulu le revoir. Je l’ai donc retrouvé. Nous avons discuté, lui et sa femme, d’Auschwitz. Je connaissais déjà beaucoup de choses sur son « activité » là-bas. Il m’en a parlé comme s’il était étendu sur le divan de Freud, se libérant peut-être pour la première fois, devant un microphone, de ses horribles souvenirs. Oui, c’est trop simple d’en faire un monstre.
La réalité, c’est qu’il était un petit-bourgeois, saxon et discipliné. Il a exécuté les ordres, comme on le lui avait appris à la maison et il a été trop faible pour résister. Mais là, c’était une situation extrême : il était contaminé par l’idéologie nazie. »
Victor Capesius est mort à Berlin en 1985.
source les Nouvelles de Roumanie (Juillet Août 2015)