Après une période de forte affluence, les officines
de pharmacie connaissent actuellement une baisse d’activité en raison notamment
des mesures de confinement de la population.
A la suite de la loi d’urgence du 23 mars et
des ordonnances prises pour son application, nous revenons plus en détail sur
les mesures d’ordre social prises par le Gouvernement pour soutenir les
entreprises.
Après avoir présenté le dispositif d’activité partielle
dans une première circulaire, nous répondons aux questions que vous êtes
nombreux à nous poser :
- 1. Puis-je
revoir à la baisse les horaires de travail de mes salariés ?
- 2. Puis-je imposer à mes salariés de prendre leurs
congés payés pour couvrir une partie de la période de difficultés économique ?
- 3. Si j’y
suis contraint, puis-je engager une procédure de licenciement pour motif
économique au cours de la période d’urgence sanitaire ?
Nous appelons votre attention sur le caractère
évolutif de la situation et sur le fait que de nouvelles mesures sont
susceptibles d’intervenir à tout moment et peuvent potentiellement remettre en
cause le contenu de la présente circulaire.
- 1. Puis-je
revoir à la baisse les horaires de travail de mes salariés ?
Il convient de distinguer deux hypothèses :
- diminution de la durée de travail des salariés ne s’accompagnant
pas « d’une réduction de
l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement » : dans cette situation, qui n’est
pas éligible au dispositif d’activité partielle, la modification des horaires
de travail à la baisse implique l’accord des salariés, dans la mesure où elle a
un effet sur la durée du travail. Nous attirons votre attention sur le fait que
l’accord préalable de la DIRECCTE est nécessaire pour mettre en place le dispositif
de chômage partiel. L’absence de réponse après 48h vaut accord de mise en place
du dispositif mais est susceptible de contrôle à postériori.
- diminution de la durée du travail des salariés s’accompagnant
« d’une réduction de
l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement » en raison
notamment d’une absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise
(pharmaciens et préparateurs en pharmacie) ou d’une baisse de fréquentation des patients : dans
cette hypothèse, le pharmacien titulaire peut réduire les horaires de ses
salariés et les mettre en situation d’activité partielle. Pour plus d’informations
sur ce point, notre circulaire n° 2020-31 du 27 mars 2020 détaille
le dispositif d’activité partielle (chômage partiel).
- 2. Puis-je imposer à mes salariés de prendre leurs
congés payés pour couvrir une partie de la période de difficultés économiques ?
Selon les
dispositions de la convention collective nationale de la Pharmacie d’officine
du 3 décembre 1997, qui reprennent celles du code du travail, le
congé principal d’une durée de 24 jours ouvrables[1],
doit être pris entre le 1er mai et le 31 octobre. L’employeur
doit fixer l’ordre des départs en congés et le porter à la connaissance de
chaque salarié au moins un mois avant son départ. Il ne peut, sauf
circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates des congés
moins d’un mois avant la date de départ prévue.
Le contexte épidémique
actuel et les difficultés économiques rencontrées à ce titre par les officines constituent
un cas de circonstance exceptionnelle permettant à l’employeur de modifier les
dates des congés moins d’un mois avant la date de départ prévue.
Dans ces
conditions, l’employeur peut modifier :
- uniquement l’ordre et les dates des congés qu’il a déjà
fixés ;
- y compris lorsque la date de prise de ces congés se
situe à moins d’un mois de la date de départ initialement prévue, compte tenu des
circonstances exceptionnelles constituées par l’épidémie de Coronavirus ;
- et en imposer une prise rapprochée voire immédiate,
sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois[2].
ATTENTION : ces
possibilités de modification ne concernent que les congés payés restant à
prendre jusqu’au 30 avril prochain et correspondant à l’exercice d’acquisition
2018/2019.
En effet, les
congés payés relatifs à l’exercice d’acquisition 2019/2020 ne pourront être pris
qu’à compter du 1er mai prochain : l’employeur ne saurait
donc en imposer la prise anticipée quand bien même seraient-il déjà fixés au
moins en partie.
Toutefois,
les officines ont désormais la possibilité de déroger à ces limitations, dans
certaines conditions.
En effet, en
application de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence
en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos[3], les entreprises peuvent notamment, sous réserve d’y être
autorisées par un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, imposer
la prise de congés non déposés, dans la limite de 6 jours de
congés et en imposer la prise quasi immédiate puisque seul un délai de prévenance
d’un jour franc doit être respecté (soit au moins un jour civil plein entre
l’information de l’employeur et le jour de prise effective des congés). L’ordonnance
permet également à l’employeur de s’affranchir de l’accord du salarié normalement
requis en cas de fractionnement des congés. En revanche, dans l’hypothèse
où une prise imposée des congés conduirait à un fractionnement du congé
principal[4],
les jours supplémentaires pour fractionnement resteront dus.
Cette mesure concerne,
outre les congés qui restent à prendre d’ici le 30 avril et qui n’auraient
pas encore été liquidés, les congés acquis au titre de l’exercice 2019/2020,
dont la période de prise s’ouvrira à compter du 1er mai 2020.
L’employeur peut donc imposer, dans la limite de 6 jours ouvrables, la
prise anticipée de ces congés, avant même le 1er mai. De plus, l’ordonnance
permet à l’employeur de s’affranchir de la règle selon laquelle il a l’obligation
d’accorder un congé simultané aux couples mariés ou pacsés travaillant dans la
même entreprise.
Pour éviter tout
abus et faire en sorte que ces mesures soient utilisées uniquement pour faire
face à la crise sanitaire, l’ordonnance précise que l’employeur ne peut fixer
une date de prise des congés imposés ou modifiés au-delà du 31 décembre 2020.
Enfin, pour les officines
concernées, l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée permet aux
employeurs d’imposer la prise de jours de réduction du temps de travail
(RTT). Cette mesure ne nécessite
ni accord d’entreprise ni accord de branche : les employeurs peuvent la
mettre en œuvre d’office.
Afin de vous permettre de mettre en œuvre ces
nouvelles mesures dans votre officine, la FSPF met à disposition un modèle d’accord
d’entreprise destiné aux officines de moins de 11 salariés ainsi qu’aux
officines de 11 à 20 salariés sans comité social et économique (CSE).
- 3. Si j’y
suis contraint, puis-je engager une procédure de licenciement pour motif
économique au cours de la période d’urgence sanitaire ?
Les différentes mesures prises par le Gouvernement
pour soutenir l’emploi et l’activité économique des entreprises doivent être
comprises comme autant de leviers permettant de limiter et d’atténuer toute
mesure de licenciement pour motif économique.
Toutefois, les licenciements ne sont pas
interdits si les entreprises justifient d’un motif économique tel qu’énoncé par
le code du travail et dont l’appréciation du caractère réel et sérieux relève
de la compétence du conseil de prud’hommes.
P.J. :
[1] dont 18 jours ouvrables au moins doivent
être pris consécutivement.
[2] En effet, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les circonstances
exceptionnelles ne peuvent être invoquées que pour justifier la modification
tardive (= à moins d’un mois du départ) de l’ordre et des dates des congés.
Elles ne peuvent être invoquées pour justifier la mise en congés immédiate des
salariés (cf. Cass. Crim. 21 novembre 1995, n° 94-81791).
[3] Ordonnance
n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures
d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos (Journal Officiel du 26 mars 2020).
[4] Il y a fractionnement du congé principal lorsque le salarié ne bénéficie
pas de 24 jours ouvrables de congés payés (peu important qu’ils ne soient pas
pris en une seule fois) entre le 1er mai et le 31 octobre.