La sollicitation de clientèle

Fabienne Rizos-Vignal

| 03.07.2017

La concurrence se joue sur le terrain du conseil mais aussi de la stratégie commerciale. Toute la difficulté consiste à mélanger les genres tout en restant dans les clous de la législation pharmaceutique. Les cartes de fidélité, les cadeaux, les remises sont des armes de séduction massive. Mais sont-elles déontologiquement correctes ?

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La sollicitation de clientèle est-elle déontologiquement admise ?

Prétendre que le Code de la santé publique interdit au pharmacien la sollicitation de clientèle est inexact. La sollicitation de clientèle est inhérente à tout exercice commercial. Le Code de la santé publique ne la condamne que si cette dernière utilise des « procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ».

Qu’est-ce qu’un procédé « contraire à la dignité de la profession » ?

La notion de dignité de la profession marque la frontière entre ce que le pharmacien peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Le Code de la santé publique ne précise toutefois pas ce qui est digne ou indigne. Cette notion, floue et évolutive, est ainsi laissée à l’appréciation du juge ordinal généralement saisi par un confrère qui se plaint du procédé utilisé.

Quels messages peuvent être diffusés en vitrine ?

D’après le Code de la santé publique, « les vitrines des officines et les emplacements aménagés pour être visibles de l’extérieur ne peuvent servir à présenter que les activités dont l’exercice en pharmacie est licite ». Le pharmacien peut ainsi utiliser ses vitrines pour promouvoir une animation ou signaler une promotion. Toutefois, les accroches tapageuses et les messages publicitaires agressifs sont déontologiquement incorrects. Par exemple, les affiches publicitaires surdimensionnées par rapport à la taille de la vitrine, les bandeaux fluorescents pour annoncer des « prix cassés toute l’année ».

À l’intérieur du point de vente, la distribution gratuite de brochures d’éducation sanitaire est-elle autorisée ?

Oui, à condition que ces fiches ne comportent aucune mise en avant de la pharmacie, hormis son nom et son adresse. Aucune publicité sur les produits et leurs prix ne peut être indiquée.

Est-ce possible d’offrir des cadeaux ?

À l’occasion d’une naissance, à la veille des vacances, etc., différents événements peuvent servir de prétextes pour offrir un cadeau (par exemple, un coffret de puériculture, une eau de parfum, un sac de plage frappé du logo de l’officine, etc.). Mais là encore, le Code de la santé publique érige l’interdiction « de donner des objets ou produits quelconques à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable ». Apparaît la notion de « valeur négligeable » fixée, d’après le Livre de procédure fiscale, à 30 euros par an et par bénéficiaire.

Les clients réguliers peuvent-ils bénéficier de remises ?

Non, car il est interdit d’octroyer à la clientèle « des primes ou des avantages matériels directs ou indirects ».

Pourquoi la vente par lots de médicaments conseils est-elle proscrite ?

Elle est contraire au principe selon lequel, « le pharmacien ne doit pas, par quelque procédé ou moyen que ce soit, inciter ses patients à une consommation abusive de médicaments ». Le pharmacien peut en revanche bâtir une politique de prix concurrentiels sur les médicaments non remboursables et les produits de parapharmacie, à condition de procéder « avec tact et mesure ». La déontologie pharmaceutique se garde d’être plus précise et de définir ce que sont « le tact » et « la mesure ».

En se positionnant sur les services, les pharmaciens peuvent-ils mettre en place des consultations payantes ?

Dans le sillage des entretiens pharmaceutiques, certains pharmaciens souhaitent se démarquer en valorisant leur expertise. Par exemple, en proposant des consultations en « micro-nutrition », « diététique », etc. L’idée est audacieuse mais elle est actuellement contraire aux textes. Le Code de la santé publique l’indique expressément, « aucune consultation médicale ne peut être donnée dans l’officine ».

Information du consommateur sur le prix des médicaments vendus en pharmacie – 20/06/2017 (source DGCCRF)

À la suite de la suppression de la vignette et de l’introduction des honoraires de dispensation, le 1er janvier 2015, de nouvelles règles relatives à l’information du consommateur sur le prix des médicaments sont entrées en vigueur. La DGCCRF dresse, deux ans après cette mise en œuvre, un bilan des enquêtes réalisées par ses services afin de vérifier qu’une information claire et loyale est délivrée aux consommateurs.

 

Depuis le 1er juillet 2015, la DGCCRF a enquêté sur les obligations classiques en matière d’information du consommateur et sur les obligations spécifiques aux officines s’agissant des médicaments : existence d’un support général d’information visible et lisible par le consommateur (affichette) comportant les règles de fixation du prix des médicaments et celle relative à la perception d’honoraires de dispensation, affichage des prix des médicaments exposés à la vue du public de manière lisible et visible ou information sur le prix des médicaments non exposés à la vue du public (par voie d’étiquetage ou via un catalogue). Le respect du prix réglementé de certains des médicaments remboursables les plus vendus a également été vérifié. 1 604 officines ont été contrôlées. 972 d’entre elles présentaient au moins un manquement à la réglementation, soit plus de trois officines sur cinq en anomalie s’agissant du respect de l’information des consommateurs. Pour la plupart d’entre elles, le support général d’information du public sur la composition et le mode de fixation du prix des médicaments (information généralement donnée sur une affichette) est inexistant ou peu visible et les prix des médicaments non exposés à la vue du public sont rarement communiqués.

L’essentiel des règles d’information du consommateur sur les prix en officine :

  • les prix des médicaments remboursables sont des prix plafonds fixés par la puissance publique tandis que les prix des médicaments non remboursables sont librement fixés ;
  • les prix des médicaments et produits exposés à la vente en officine sont affichés tandis qu’un catalogue liste les prix des produits en réserve (à défaut d’étiquetage) ;
  • les médicaments, qu’ils soient ou non remboursés, peuvent faire l’objet d’une prescription obligatoire ou facultative ;
  • dans le cas des médicaments remboursables prescrits, les pharmaciens peuvent solliciter pour la délivrance de chaque boîte de médicament, comme pour les ordonnances de plus de 5 lignes, le versement d’un honoraire de dispensation ;
  • NOUVEAU : depuis une ordonnance du 8 juin 2017, les médicaments remboursables non prescrits peuvent également faire l’objet d’une facturation d’un honoraire de dispensation ;
  • Une affichette visible et lisible dans l’officine doit informer le consommateur.

Certaines obligations sont globalement bien respectées

  • Les prix des produits autres que les médicaments exposés à la vue du public sont généralement visiblement et lisiblement renseignés, par voie d’affichage ou d’étiquetage.
  • L’affichage ou l’étiquetage du prix de la grande majorité des médicaments exposés à la vue du public est conforme à la réglementation, déjà ancienne et connue des praticiens.
  • Très peu de non-conformités ont été relevées concernant le justificatif de paiement, généralement sous la forme du ticket « Vitale » (impression de la facturation au dos de l’ordonnance) ou du ticket de caisse qui est généralement donné aux consommateurs.

L’information du client sur les prix des médicaments demeure inégale

  • En revanche, plus de 40 % des officines contrôlées ne disposaient pas d’un support général d’information conforme à l’article 2 de l’arrêté du 28 novembre 2014. Ce support pouvait ainsi être soit inexistant, soit partiellement visible ou pas encore mis à jour. La plupart de ces manquements ont fait l’objet d’un avertissement ; d’autres professionnels ont reçu une injonction.
  • Pour les médicaments non exposés à la vue du public, le pharmacien a la possibilité d’étiqueter les boîtes en réserve ou de mettre à la disposition des clients un catalogue papier ou électronique. Ce dernier choix est majoritaire, mais il n’est pas pour autant toujours appliqué et certains pharmaciens ne fournissent aucune information sur les prix des médicaments remboursables.
  • Dans près d’une officine sur deux, l’information des consommateurs sur la facturation des honoraires et les tarifs pratiqués est peu claire, voire inexistante, que ce soit au moyen d’un affichage ou par l’intermédiaire du catalogue qui doit alors mentionner l’information clairement.

La base légale autorisant la perception de l’honoraire de dispensation sur les médicaments remboursables non prescrits a été clarifiée en juin 2017

Pour ce qui concerne l’impossibilité de percevoir un honoraire de dispensation sur des médicaments remboursables non prescrits, la DGCCRF n’a pas sanctionné les pharmaciens qui percevaient tout de même cet honoraire, dans la mesure où cette impossibilité résultait d’une incohérence des textes que le ministère de la Santé entendait corriger, et sous réserve que le niveau global d’information délivré par ailleurs au consommateur sur les prix pratiqués dans cette officine (sur les médicaments et les autres produits vendus) soit conforme. L’ordonnance du 8 juin 2017 est venue établir la base légale de la perception d’un honoraire de dispensation sur les médicaments remboursables non prescrits.

Les obligations relatives au niveau des prix réglementés sont respectées

Aucun dépassement de prix réglementé n’a été constaté pour les médicaments remboursables. Les prix sont généralement fixés au niveau de leur plafond autorisé, que le médicament soit prescrit ou non. En dehors des grandes pharmacies en milieu urbain, les professionnels déclarent ne pas être en mesure de baisser leurs prix et certains semblent même ignorer la possibilité de vendre les médicaments à un prix inférieur au plafond.

Les manquements relèvent le plus souvent de la négligence, dans la mesure où l’information sur les nouvelles obligations avait été largement diffusée par les syndicats et dans la presse professionnelle. On constate donc que les pharmaciens s’adaptent avec une certaine difficulté à la disparition de la vignette. L’action de la DGCCRF a toutefois permis de sensibiliser un grand nombre de professionnels à leurs nouvelles obligations en matière d’information du consommateur, ce qui devrait logiquement se traduire par une meilleure conformité lors des prochains contrôles.

Un taux élevé de non-conformité dont la tendance repart à la hausse sur le dernière période : la CCRF poursuivra son action dans le secteur

Le bilan de ces deux dernières années de contrôles sur l’information du consommateur sur les prix des médicaments vendus en pharmacie montre un taux de non-conformité relativement élevé. Dans la mesure où le nombre d’officines contrôlées est suffisamment important pour constituer un échantillon représentatif des pratiques de la profession, la DGCCRF maintiendra une veille active sur le secteur, d’autant que la tendance montre qu’après une baisse importante des anomalies constatées au premier semestre 2016, matérialisant une bonne appréhension du nouveau texte par la profession, le taux de non-conformité est reparti à la hausse lors des semestres suivants pour atteindre au premier semestre 2017 un niveau équivalent à celui constaté lors des mois suivants l’entrée en vigueur des nouvelles obligations en juillet 2015.

Cible Résultats
2 072 visites

1 604 pharmacies

Taux de non-conformité : 61 %
(972 officines en anomalie)
708 avertissements146 injonctions145 procès-verbaux administratifs

1 contentieux civil en cours

Période : juillet 2015 – juin 2017.

source Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

REMPLACEMENT DU TITULAIRE Renouvellement en cas de circonstances exceptionnelles

Une officine ne peut rester ouverte en l’absence de son titulaire que si celui-ci s’est fait régulièrement remplacer. En principe, ce remplacement ne peut excéder une durée d’une année, sauf exceptions prévues par le code de la santé publique:

  • le remplacement du titulaire peut ainsi être prolongé jusqu’à la cessation de l’empêchement dans le cas de service national ou de rappel sous les drapeaux du pharmacien titulaire ;
  • depuis le 28 janvier 2016, le remplacement du titulaire peut être renouvelé une fois sur décision du Directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) lorsque l’absence du titulaire est justifiée par son état de santé ;
  • depuis le 29 avril 2017, le remplacement du titulaire peut être renouvelé au-delà d’une fois et dans la limite de trois ans sur décision du directeur général de l’ARS lorsque le titulaire est empêché d’exercer en raison de circonstances exceptionnelles.

En l’absence de définition de la notion de « circonstances exceptionnelles », il est possible de s’interroger sur les modalités de leur appréciation par le Directeur général de l’ARS. Pourraient ainsi, le cas échéant, être considérées comme exceptionnelles les circonstances inhabituelles et indépendantes de la volonté du pharmacien de nature à l’empêcher d’exercer au sein de sa pharmacie. Il est en outre possible de se demander si l’état de santé du pharmacien qui constitue, en principe, un cas distinct de dérogation, pourrait être considéré comme une circonstance exceptionnelle justifiant la prolongation du remplacement pour une troisième année.

Nous interrogeons le ministère chargé de la santé afin d’obtenir davantage de précisions sur la notion de « circonstances exceptionnelles ».

La FSPF est, en tout état de cause, favorable à cette nouvelle dérogation introduite par l’ordonnance du 27 avril 2017 qui permet aux pharmaciens en difficulté de se faire remplacer pendant une durée maximale de trois années et ainsi de ne pas être contraints de vendre leurs parts sociales, dans un contexte personnel et économique parfois difficile.

 

Confraternellement,

Fabrice CAMAIONI

Président de la Commission Exercice professionnel FSPF

Pour aller plus loin :

article L. 5125-21 du code de la santé publique ;

ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé ;

rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour aller plus loin :

article L. 5125-21 du code de la santé publique ;

ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé ;

rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

[1] Article L. 5125-21 du code de la santé publique.

[2] Article 140 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (Cf. circulaire 2016-63).

[3] Ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé publiée au Journal Officiel du 28 avril 2017, prise en application de l’article 212 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

[4] Ordonnance n°2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

Subutex®: Un médecin condamné lourdement à Limoges.

Le tribunal correctionnel de Limoges (Limousin) a condamné vendredi 2 juin un généraliste du centre-ville à dix mois de prison avec sursis et un an d’interdiction d’exercice. À l’origine de cette peine : un soupçon de trafic sur fond de prescriptions non-conformes de Subutex et escroquerie s’y rattachant.

Les malheurs du praticien ne devraient pas s’arrêter à cette sanction puisque la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Limoges réclame de son côté 120 000 euros de dommages et intérêts pour compenser ses remboursements. Cette partie de l’affaire sera jugée en janvier 2018.

D’ici là, le généraliste aura à méditer sur ses pratiques, qu’il a d’ailleurs reconnues devant la Cour, en les ramenant à des « dérogations à la déontologie ». Son avocate a, elle, évoqué « un médecin dévoué, qui contrairement à ses confrères accepte de soigner des toxicomanes, sans profit. »

Les faits et les chiffres sont pourtant incontestables. Les services de gendarmerie menant l’enquête sont remontés jusqu’au généraliste, guidés par des consommateurs de stupéfiants et les destinataires de ses ordonnances. Ils ont aussi été renseignés par des indications données par la CPAM, alertée par les chiffres inquiétants du praticien : sur 15 mois, 15 431 boîtes de Subutex avaient été prescrites, pour 285 patients des 750 habituels recensés dans le cabinet.

Pas d’enrichissement personnel

C’est d’ailleurs sur ces données que l’administration s’appuie pour évaluer son préjudice (le médicament incriminé étant remboursé à 100 %). Face au tribunal, l’accusé a donné des explications manquant de cohérence médicale. Il a même reconnu avoir rédigé des prescriptions sans rencontrer certains malades ou rempli trois ordonnances en 18 jours pour une même personne.

Le Subutex en cause alimentait en partie un trafic mené par les destinataires des ordonnances qui le revendaient, sans que le médecin s’enrichisse directement.

La défense, qui réclamait la relaxe pour défaut d’intention, a évoqué des pressions et des menaces envers l’intéressé. Parmi les bénéficiaires, SDF sous addiction, certains d’entre eux ne faisaient pas que consommer, sous l’égide d’une bande de dealers bulgares dont on aura peu parlé durant les débats.

Les Pharmaciens du Sud

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