À une semaine de l’entrée en vigueur des nouveaux plafonds de remises, les perspectives de modifier le plan gouvernemental sont quasiment nulles. Si la bataille est perdue, les pharmaciens ne désarment pas et s’apprêtent à entrer en guerre.
Il ne reste que quelques jours avant la publication de l’arrêté fixant les nouveaux plafonds de remises, vraisemblablement à 30 % pour les génériques et les hybrides, 15 % pour les biosimilaires, des taux qui seront ramenés tous deux à 20 % en 2027. Des taux, surtout, qui ne conviennent à personne au sein de la profession.
Tout a commencé le 20 juin dernier, lors de la première concertation sur le sujet : le ministère de la Santé a alors annoncé que le plafond de remises des génériques serait abaissé de 40 à 20-25 %, que ce même taux serait appliqué aux hybrides, tandis que les biosimilaires se verraient instaurer un plafond à 15 %. Après un mois de mobilisation dans tous les départements, une manifestation le 1er juillet, la grève des gardes et du tiers payant conventionnel en cas de réquisition, des rencontres multiples avec les parlementaires et élus locaux, une pétition (toujours en cours) et de multiples actions locales, le Premier ministre a arbitré et proposé, le 16 juillet, des taux de 30 % pour les génériques et les hybrides et de 15% pour les biosimilaires, tous ramenés à 20 % en 2027. « Inacceptable », pour le président de la FSPF, Philippe Besset, qui y voit « une déclaration de guerre ». Car pour le réseau, cela signe une perte de 250 millions d’euros sur le générique, non compensée par le biosimilaire « dont la délivrance est très inégalement répartie sur le territoire ».
Plan Pharmacie
Dernier rebondissement : la FSPF a été longuement reçue par le ministre de la Santé, Yannick Neuder, le 23 juillet, qui « s’est engagé à nos côtés et se bat pour obtenir un meilleur arbitrage », a souligné Philippe Besset lors de son Live hebdomadaire. Résultat du combat : une nouvelle proposition à 33 % pour les génériques et hybrides, 15% pour les biosimilaires, et toujours la perspective du 20 % pour tous en 2027. Des taux confirmés le jour même par la ministre Catherine Vautrin, tant à l’oral qu’à l’écrit, et associés au lancement d’une mission pilotée par l’Assurance maladie sur l’économie officinale. Le but : préparer les prochaines négociations conventionnelles sur la rémunération des pharmaciens. Une proposition unanimement rejetée par la profession.
« Il faut bien comprendre que l’arrêté prévu pour fixer le taux maximal des remises va obligatoirement paraître la semaine prochaine, il aura valeur de loi et devra donc s’appliquer. Or, il est plus facile d’influer sur son contenu avant parution que d’en obtenir la modification une fois entré en vigueur », explique Philippe Besset. C’est avec cette évidence en tête que le président de la FSPF a proposé à son conseil d’administration, le 24 juillet, une troisième voie : un Plan pharmacie. À savoir une contre-proposition à 34/15 qui s’appliquerait au 1er octobre prochain, incluant la suppression du passage à un taux généralisé de 20 % en 2027, ainsi que le lancement d’une étude de faisabilité sur la réintégration d’une partie des remises sous forme de rémunération conventionnelle des pharmaciens. « Il y a eu un gros débat qui a abouti à une courte majorité, à 14 contre 12, favorable à l’envoi de cette contre-proposition à nos partenaires et au ministère de la Santé », indique Philippe Besset.
Catastrophe
Ce baroud de la dernière chance pour tenter de sauver ce qui pouvait encore l’être a essuyé une fin de non-recevoir massive. « Cette contre-proposition a été refusée par l’ensemble des autres acteurs de la profession parce que ce n’était pas assez, et par le gouvernement parce que c’était trop et que Matignon ne lâchera jamais l’objectif du 20/20 en 2027 », prend acte Philippe Besset. « L’Uspo, Federgy et l’UDGPO m’ont dit non en précisant qu’ils ne voulaient pas de la politique du moins pire. Ils préfèrent donc la politique du pire qui consiste à aller dans le mur en espérant que cela renforcera la mobilisation. »
À ceux qui n’auraient pas encore totalement pris la mesure de la situation, le président de la FSPF tient à rappeler que « ce qui figurera dans l’arrêté correspondra au dernier arbitrage, à savoir 30 % sur les génériques et hybrides et 15 % sur les biosimilaires applicable à partir du 1er août prochain, et 20 % pour tous à partir de 2027. Les deux dates figureront dans le texte et ne seront assorties d’aucun système de compensation, d’aucune ouverture de négociation à venir prévus par le gouvernement ». En clair, « c’est terminé. Il va falloir vivre avec cette nouvelle donne pendant un certain temps. Les laboratoires vont adapter leurs politiques de vente et nous allons perdre des centaines de millions d’euros. C’est pour moi une catastrophe. »
Et maintenant ?
Pour le président de la FSPF, le moment du choix est révolu : « Après la main tendue vient le moment du combat frontal. Il ne reste plus qu’une seule chose à faire : changer le plus rapidement possible de Premier ministre pour pouvoir repartir avec une nouvelle politique. » Entérinant le fait que son « nouveau plan de combat a été unanimement rejeté », la Fédé va adopter un nouveau positionnement, à savoir « prendre en compte la réalité du nouvel arrêté à venir et tout faire pour le changer grâce à différents plans d’actions que nous allons proposer ». Mais, prévient Philippe Besset, « modifier ce texte nécessite d’avoir avec nous l’opinion. Le gouvernement a pris sa décision et nous ne pouvons plus l’empêcher. »
L’idée est d’avoir recours à d’autres leviers, matérialisé pour l’un d’entre eux par l’Assemblée nationale qui fera sa rentrée à la mi-septembre dans le cadre du PLF et du PLFSS. « Toute action que nous mènerions au mois d’août ne servirait à rien », estime le président de la FSPF qui ajoute que « nous étions jusque-là dans une forme de sprint, nous rentrons désormais dans ce qui s’apparente à un marathon. Il faut donc se préserver pour avoir la capacité de mener les actions les plus fortes au bon moment. » C’est au cours de l’assemblée générale extraordinaire du syndicat du 30 juillet prochain que les formes que devront adopter ces dernières seront décidées. Par ailleurs, Philippe Besset animera la veille un webinaire explicatif et interactif. En attendant, il s’avoue « très inquiet car il va y avoir de la casse accentuée par le PLFSS 2026 qui portera des économies massives. Sans compter les autres combats à mener avec cette histoire de franchises à récupérer au comptoir qui est inacceptable. »
par Mélanie Mazière et Benoît Thelliez
Le 25 juillet 2025 – LE PHARMACIEN DE FRANCE